Page:Volney - Les Ruines, 1826.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sait, me dis-je, si tel ne sera pas un jour l’abandon de nos propres contrées ? Qui sait si sur les rives de la Seine, de la Tamise ou du Sviderzée, là où maintenant, dans le tourbillon de tant de jouissances, le coeur et les yeux ne peuvent suffire à la multitude des sensations ; qui sait si un voyageur comme moi ne s’asseoira pas un jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendre des peuples et la mémoire de leur grandeur ? à ces mots, mes yeux se remplirent de larmes ; et, couvrant ma tête du pan de mon manteau, je me livrai à de sombres méditations sur les choses humaines. Ah ! Malheur à l’homme, dis-je dans ma douleur ! Une aveugle fatalité se joue de sa destinée ! Une nécessité funeste régit au hasard le sort des mortels. Mais non : ce sont les décrets d’une justice céleste qui s’accomplissent ! Un dieu mystérieux exerce ses jugemens incompréhensibles ! Sans doute il a porté contre cette terre un anathême secret ; en vengeance des races passées, il a frappé de malédiction les races présentes. Oh ! Qui osera sonder les profondeurs de la divinité ? Et je demeurai immobile, absorbé dans une mélancolie profonde.

== Le