Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/362

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La gloire est toujours inquiète ;
Le bel esprit est un tourment.
On est dupe de son talent :
C’est comme une épouse coquette,
Il lui faut toujours quelque amant.
Sa vanité, qui vous obsède,
S’expose à tout imprndemment ;
Elle est des autres l’agrément,
Et le mal de qui la possède.
Mais finissons ce triste ton :
Est-il si malheureux de plaire ?
L’envie est un mal nécessaire ;
C’est un petit coup d’aiguillon
Qui vous force encore à mieux faire.
Dans la carrière des vertus
L’âme noble en est excitée.
Virgile avait son Mævius,
Hercule avait son Eurysthée.
Que m’importent de vains discours
Qui s’envolent et qu’on oublie ?
Je coule ici mes heureux jours
Dans la plus tranquille des cours,
Sans intrigue, sans jalousie,
Auprès d’un roi sans courtisans[1],
Près de Boufflers et d’Émilie ;
Je les vois et je les entends,
Il faut bien que je fasse envie.



  1. Le roi Stanislas. (Note de Voltaire, 1756.)