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DE L’EMPIRE DE CONSTANTINOPLE.

l’Arabie, de toutes les côtes d’Afrique jusqu’au mont Atlas, des trois quarts de l’Espagne ; mais ces conquérants ne forment pas une nation, comme les Romains, qui, étendus presque autant qu’eux, n’avaient fait qu’un seul peuple.

Sous le fameux calife Almamon, vers l’an 815, un peu après la mort de Charlemagne, l’Égypte était indépendante, et le Grand-Caire fut la résidence d’un autre calife. Le prince de la Mauritanie Tangitane, sous le titre de Miramolin, étant maître absolu de l’empire de Maroc, la Nubie et la Libye obéissaient à un autre calife. Les Abdérames, qui avaient fondé le royaume de Cordoue, ne purent empêcher d’autres mahométans de fonder celui de Tolède. Toutes ces nouvelles dynasties révéraient dans le calife le successeur de leur prophète. Ainsi que les chrétiens allaient en foule en pèlerinage à Rome, les mahométans de toutes les parties du monde allaient à la Mecque, gouvernée par un shérif que nommait le calife ; et c’était principalement par ce pèlerinage que le calife, maître de la Mecque, était vénérable à tous les princes de sa croyance. Mais ces princes, distinguant la religion de leurs intérêts, dépouillaient le calife en lui rendant hommage.

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CHAPITRE XXIX.


De l’empire de Constantinople aux viiie et ixe siècles.


Tandis que l’empire de Charlemagne se démembrait, que les inondations des Sarrasins et des Normands désolaient l’Occident, l’empire de Constantinople subsistait comme un grand arbre, vigoureux encore, mais déjà vieux, dépouillé de quelques racines, et assailli de tous côtés par la tempête. Cet empire n’avait plus rien en Afrique ; la Syrie et une partie de l’Asie Mineure lui étaient enlevées. Il défendait contre les musulmans ses frontières vers l’orient de la mer Noire ; et, tantôt vaincu, tantôt vainqueur, il aurait pu au moins se fortifier contre eux par cet usage continuel de la guerre. Mais du côté du Danube, et vers le bord occidental de la mer Noire, d’autres ennemis le ravageaient. Une nation de Scythes, nommés les Abares ou Avares, les Bulgares, autres Scythes, dont la Bulgarie tient son nom, désolaient tous ces beaux climats