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PRISE DE CONSTANTINOPLE PAR LES CROISÉS.

des fiefs. Peu à peu ces communautés, pouvant travailler et commercer pour leur propre avantage, exercèrent les arts et le commerce, que l’esclavage éteignait.

Cependant ce peu de chrétiens métis, cantonnés sur les côtes de Syrie, fut bientôt exterminé ou réduit en servitude. Ptolémaïs, leur principal asile, et qui n’était en effet qu’une retraite de bandits, fameux par leurs crimes, ne put résister aux forces du soudan d’Égypte Mélecséraph. Il la prit en 1291 : Tyr et Sidon se rendirent à lui. Enfin, vers la fin du XIIIe siècle, il n’y avait plus dans l’Asie aucune trace apparente de ces émigrations des chrétiens.

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CHAPITRE LIX.


Suite de la prise de Constantinople par les croisés.
Ce qu’était alors l’empire grec.


Ce gouvernement féodal de France avait produit, comme on l’a vu, bien des conquérants. Un pair de France, duc de Normandie, avait subjugué l’Angleterre ; de simples gentilshommes, la Sicile ; et parmi les croisés, des seigneurs de France avaient eu pour quelque temps Antioche et Jérusalem ; enfin Baudouin, pair de France et comte de Flandre, avait pris Constantinople. Nous avons vu les mahométans d’Asie céder Nicée aux empereurs grecs fugitifs. Ces mahométans mêmes s’alliaient avec les Grecs contre les Francs et les Latins, leurs communs ennemis ; et pendant ce temps-là, les irruptions des Tartares dans l’Asie et dans l’Europe empêchaient les musulmans d’opprimer ces Grecs. Les Francs, maîtres de Constantinople, élisaient leurs empereurs ; les papes les confirmaient.

(1216) Pierre de Courtenai, comte d’Auxerre, de la maison de France, ayant été élu, fut couronné et sacré dans Rome par le pape Honorius III. Les papes se flattaient alors de donner les empires d’Orient et d’Occident. On a vu[1] ce que c’était que leurs droits sur l’Occident, et combien de sang coûta cette prétention. A l’égard de l’Orient, il ne s’agissait guère que de Constantinople,

  1. Chapitre xxxii.