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D’ALEXANDRE VI, ET DE LOUIS XII.

nait à peine contre les Suisses, qui achevaient d’ôter à la maison d’Autriche ce qui lui restait dans leur pays. Maximilien joua donc en cette conjoncture le rôle forcé de l’indifférence.

Louis XII termina tranquillement quelques discussions avec le fils de cet empereur, Philippe le Beau, père de Charles-Quint, maître des Pays-Bas ; et ce Philippe le Beau rendit hommage en personne à la France pour les comtés de Flandre et d’Artois. Le chancelier Gui de Rochefort reçut dans Arras cet hommage. Il était assis et couvert, tenant entre ses mains les mains jointes du prince, qui, découvert, sans armes et sans ceinture, prononça ces mots : « Je fais hommage à monsieur le roi pour mes pairies de Flandre et d’Artois, etc. »

Louis XII ayant d’ailleurs renouvelé les traités de Charles VIII avec l’Angleterre, assuré de tous côtés, du moins pour un temps, fait passer les Alpes à son armée. Il est à remarquer qu’en entreprenant cette guerre, loin d’augmenter les impôts, il les diminua, et que cette indulgence commença à lui faire donner le nom de Père du peuple. Mais il vendit plusieurs offices qu’on nomme royaux, et surtout ceux des finances[1]. N’eût-il pas mieux valu établir des impôts également répartis, que d’introduire la vénalité honteuse des charges dans un pays dont il voulait être le père ? Cet usage de mettre des emplois à l’encan venait d’Italie : on a vendu longtemps à Rome les places de la chambre apostolique, et ce n’est que de nos jours que les papes ont aboli cette coutume.

L’armée que Louis XII envoya au delà des Alpes n’était guère plus forte que celle avec laquelle Charles VIII avait conquis Naples. Mais ce qui doit paraître étrange, c’est que Louis le Maure, simple duc de Milan, de Parme et de Plaisance, et seigneur de Gênes, avait une armée tout aussi considérable que le roi de France.

(1499) On vit encore ce que pouvait la furia francese[2] contre la sagacité italienne. L’armée du roi s’empara en vingt jours de l’État de Milan et de celui de Gênes, tandis que les Vénitiens occupèrent le Crémonais.

Louis XII, après avoir pris ces belles provinces par ses géné-

  1. On ne vit alors dans la vente de ces offices qu’un moyen d’avoir de l’argent ; il en fut de même lorsque François Ier vendit les charges de judicature, lorsque Henri III vendit les maîtrises dans les arts et métiers. Mais dans la suite on s’est avisé de faire l’apologie de ces usages honteux ou tyranniques, de les regarder comme de belles institutions politiques, liées avec l’esprit de la nation et avec la constitution de l’État. (K.)
  2. Voyez chapitre cvii, page 177.