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CHAPITRE CX.

raux, fit son entrée dans Milan : il y reçut les députés de tous les États d’Italie en homme qui était leur arbitre ; mais à peine fut-il retourné à Lyon que la négligence, qui suit presque toujours la fougue, fit perdre aux Français le Milanais comme ils avaient perdu Naples (1500). Louis le Maure, dans cet établissement passager, payait un ducat d’or pour chaque tête de Français qu’on lui portait. Alors Louis XII fit un nouvel effort. Louis de La Trimouille va réparer les fautes qu’on avait faites. On rentre dans le Milanais. Les Suisses, qui depuis Charles VIII faisaient usage de leur liberté pour se vendre à qui les payait, étaient à la fois en grand nombre dans l’armée française et dans la milanaise. Il est remarquable que les ducs de Milan furent les premiers princes qui prirent des Suisses à leur solde : Marie Sforce avait donné cet exemple aux souverains.

Quelques capitaines de cette nation, si ressemblante jusqu’alors aux anciens Lacédémoniens par la liberté, l’égalité, la pauvreté et le courage, flétrirent sa gloire par l’amour de l’argent. Ils gardaient dans Novare le duc de Milan, qui leur avait confié sa personne préférablement aux Italiens (1500) ; mais, loin de mériter cette confiance, ils composèrent avec les Français. Tout ce que Louis le Maure put en obtenir, ce fut de sortir avec eux, habillé à la suisse, et une hallebarde à la main : il parut ainsi à travers les haies des soldats français ; mais ceux qui l’avaient vendu le firent bientôt reconnaître. Il est pris, conduit à Pierre-Encise, delà dans la même tour de Bourges où Louis XII lui-même avait été en prison ; enfin transféré à Loches, où il vécut encore dix années, non dans une cage de fer, comme on le croit communément, mais servi avec distinction, et se promenant les dernières années à cinq lieues du château.

Louis XII, maître du Milanais et de Gênes, veut encore avoir Naples ; mais il devait craindre ce même Ferdinand le Catholique, qui en avait déjà chassé les Français.

Ainsi qu’il s’était uni avec les Vénitiens pour conquérir le Milanais dont ils partagèrent les dépouilles, il s’unit avec Ferdinand pour conquérir Naples. Le roi catholique alors aima mieux dépouiller sa maison que la secourir : il partagea, par un traité avec la France, ce royaume où régnait Frédéric, le dernier roi de la branche bâtarde d’Aragon. Le roi catholique retient pour lui la Pouille et la Calabre, le reste est destiné pour la France. Le pape Alexandre VI, allié de Louis XII, entre dans cette conjuration contre un monarque innocent, son feudataire, et donne aux deux rois l’investiture qu’il avait donnée au roi de Naples. Le roi