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DU PARLEMENT DE PARIS JUSQU’À CHARLES VII.

qu’ils étaient fils de bons bourgeois dès longtemps affranchis, vivant librement sous la protection des rois dont ils étaient bourgeois. Cet ordre de citoyens en tout temps et en tout pays a plus de facilités pour s’instruire que les hommes nés dans l’esclavage.

Ce tribunal était, comme vous savez, ce qu’est en Angleterre la cour appelée du banc du roi. Les rois anglais, vassaux de ceux de France, imitèrent en tout les usages de leurs souverains. Il y avait un procureur du roi au parlement de Paris ; il y en eut un au banc du roi d’Angleterre ; le chancelier de France peut résider aux parlements français, le chancelier d’Angleterre au banc de Londres. Le roi et les pairs anglais peuvent casser les jugements du banc, comme le roi de France casse les arrêts du parlement en son conseil d’État, et comme il les casserait avec les pairs, les hauts-barons et la noblesse, dans les états généraux qui sont le parlement de la nation. La cour du banc ne peut faire de lois, de même que le parlement de Paris n’en peut faire. Ce même mot de banc prouve la ressemblance parfaite ; le banc des présidents a retenu son nom chez nous, et nous l’appelons encore aujourd’hui le grand banc.

La forme du gouvernement anglais n’a point changé comme la nôtre, nous l’avons déjà remarqué[1]. Les états généraux anglais ont subsisté toujours : ils ont partagé la législation ; les nôtres, rarement convoqués, sont hors d’usage. Les cours de justice, appelées parmi nous parlements, étant devenues perpétuelles, et s’étant enfin considérablement accrues, ont acquis insensiblement, tantôt par la concession des rois, tantôt par l’usage, tantôt même par le malheur des temps, des droits qu’ils n’avaient ni sous Philippe le Bel, ni sous ses fils, ni sous Louis XI.

Le plus grand lustre du parlement de Paris vint de la coutume que les rois de France introduisirent de faire enregistrer leurs traités et leurs édits à cette chambre du parlement sédentaire, afin que le dépôt en fût plus authentique. D’ailleurs cette chambre n’entrait dans aucune affaire d’État, ni dans celles des finances. Tout ce qui regardait les revenus du roi et les impôts était incontestablement du ressort de la chambre des comptes. Les premières remontrances du parlement sur les finances sont du temps de François Ier.

Tout change chez les Français beaucoup plus que chez les autres peuples. Il y avait une ancienne coutume par laquelle on n’exécutait aucun arrêt portant peine afflictive que cet arrêt ne

  1. Chapitre lxxvi.