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ANNALES DE L’EMPIRE.

dans le pays de Hesse. Ce ne fut d’abord qu’une église couverte de chaume, environnée de cabanes habitées par quelques moines qui défrichaient une terre ingrate ; c’est aujourd’hui une principauté : il faut être gentilhomme pour être moine ; l’abbé est souverain depuis longtemps, et évêque depuis 1753.

744. Carloman, oncle de Charlemagne, duc d’Austrasie, réduit les Bavarois, vassaux rebelles du roi de France, et bat les Saxons dont il veut faire aussi des vassaux. On voit par là évidemment qu’il y avait déjà de grands vassaux ; et il est constant que le royaume des Lombards en Italie était composé de fiefs, et même de fiefs héréditaires.

745. En ce temps Boniface était évêque de Mayence. La dignité de métropole, attachée jusque-là au siége de Vorms, passe à Mayence.

Carloman, frère de Pepin, abdique le duché de l’Austrasie ; c’était un puissant royaume qu’il gouvernait sous le nom de maire du palais, tandis que son frère Pepin dominait dans la France occidentale, et que Childéric, roi de toute la France, pouvait à peine commander aux domestiques de sa maison. Carloman renonce à sa souveraineté pour aller se faire moine au Mont-Cassin. Les historiens disent encore que Pepin l’aimait tendrement ; mais il est vraisemblable que Pepin aimait encore davantage à dominer seul. Le cloître était alors l’asile de ceux qui avaient des concurrents trop puissants dans le monde.

747-748. On renouvelle dans la plupart des villes de France l’usage des anciens Romains, connu sous le nom de patronage ou de clientelle. Les bourgeois se choisissent des patrons parmi les seigneurs, et cela seul prouve que les peuples n’étaient point partagés dans les Gaules, comme on l’a prétendu, en maîtres et en esclaves.

749. Pepin entreprend enfin ce que Charles Martel son père n’avait pu faire. Il veut ôter la couronne à la race de Mérovée. Il mit d’abord l’apôtre Boniface dans son parti, avec plusieurs évêques, et enfin le pape Zacharie.

750. Pepin fait déposer son roi Hilderic ou Childeric III ; il le fait moine à Saint-Bertin, et se met sur le trône des Francs.

Comme cette usurpation atroce irritait plusieurs seigneurs, il attire le clergé dans son parti ; il fonde le riche évéché de Vurtzbourg, dont le prélat se prétend duc de Franconie : il appelle aux états généraux, nommés parliaments (parliamenta), les évêques et les abbés, qui auparavant n’y venaient que très-rarement, et quand on les consultait.