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ANNALES DE L’EMPIRE.

empereur, César, roi très-invincible des Francs, etc. » Il donne à Louis tout le pays depuis l’Espagne jusqu’au Rhin. Il laisse à Pepin l’Italie et la Bavière ; à Charles, la France, depuis la Loire jusqu’à Ingolstadt, et toute l’Austrasie, depuis l’Escaut jusqu’aux confins du Brandebourg. Il y avait dans ces trois lots de quoi exciter des divisions éternelles. Charlemagne crut y pourvoir en ordonnant que s’il arrivait un différend sur les limites des royaumes, qui ne pût être décidé par témoins, le jugement de la croix en déciderait. Ce jugement de la croix consistait à faire tenir aux avocats les bras étendus, et le plus tôt las perdait sa cause. Le bon sens naturel d’un si grand conquérant ne pouvait prévaloir sur les coutumes de son siècle.

Charlemagne retint toujours l’empire et la souveraineté, et il était le roi des rois ses enfants. C’est à Thionville que se fit ce fameux testament avec l’approbation d’un parlement. Ce parlement était composé d’évêques, d’abbés, d’officiers du palais et de l’armée, qui n’étaient là que pour attester ce que voulait un maître absolu. Les diètes n’étaient pas ce qu’elles sont aujourd’hui, et cette vaste république de princes, de seigneurs, et de villes libres sous un chef, n’était pas établie.

806. Le fameux Aaron, calife de Bagdad, nouvelle Babylone, envoie des ambassadeurs et des présents à Charlemagne. Les nations donnèrent à cet Aaron un titre supérieur à celui de Charlemagne. L’empereur d’Occident était surnommé le Grand, mais le calife était surnommé le Juste.

Il n’est pas étonnant qu’Aaron-al-Raschild envoyât des ambassadeurs à l’empereur français : ils étaient tous deux ennemis de l’empereur d’Orient ; mais ce qui serait étonnant, c’est qu’un calife eût, comme disent nos historiens, proposé de céder Jérusalem à Charlemagne. C’eût été, dans le calife, une profanation de céder à des chrétiens une ville remplie de mosquées, et cette profanation lui aurait coûté le trône et la vie. De plus, l’enthousiasme n’appelait point alors les chrétiens d’Occident à Jérusalem.

Charles convoque un concile à Aix-la-Chapelle. Ce concile ajoute au symbole que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils. Cette addition n’était point encore reçue à Rome; elle le fut bientôt après ; ainsi plusieurs dogmes se sont établis peu à peu. C’est ainsi qu’on avait donné deux natures et une personne à Jésus ; ainsi on avait donné à Marie le titre de theotocos[1] ; ainsi le terme de transsubstantiation ne s’établit que vers le xiie siècle.

  1. Mère de Dieu.