Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome13.djvu/254

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
242
ANNALES DE L’EMPIRE.

Charlemagne d’avoir soin deux. Ces ecclésiastiques avaient raison. C’est une consolation pour le genre humain qu’il y ait partout des hommes qui puissent, au nom de la Divinité, inspirer des remords aux princes[1] ; mais il faudrait s’en tenir là, et ne les poursuivre ni les avilir, parce qu’une guerre civile produit cent fois plus de crimes qu’un prince n’en peut commettre.

822. Les évêques et les abbés imposent une pénitence publique à l’empereur. Il paraît dans l’assemblée d’Attigny couvert d’un cilice. Il donne des évêchés et des abbayes à ses frères, qu’il avait faits moines malgré eux. Il demande pardon à Dieu de la mort de Bernard : cela pouvait se faire sans le cilice, et sans la pénitence publique, qui rendait l’empereur ridicule.

823. Ce qui était plus dangereux, c’est que Lothaire était associé à l’empire, qu’il se faisait couronner à Rome par le pape Pascal, que l’impératrice Judith, sa belle-mère, lui donnait un frère, et que les Romains n’aimaient ni n’estimaient l’empereur. Une des grandes fautes de Louis était de ne point établir le siége de son empire à Rome. Le pape Pascal faisait crever les yeux sans rémission à ceux qui prêchaient l’obéissance aux empereurs ; ensuite il jurait devant Dieu qu’il n’avait point de part à ces exécutions, et l’empereur ne disait mot.

L’impératrice Judith accouche à Compiègne d’un fils qu’on nomme Charles. Lothaire était revenu alors de Rome : l’empereur Louis, son père, exige de lui un serment qu’il consentira à laisser donner quelque royaume à cet enfant : espèce de serment dont on devait prévoir la violation.

824. Le pape Pascal meurt ; les Romains ne veulent pas l’enterrer. Lothaire, de retour à Rome, fait informer contre sa mémoire. Le procès n’est pas poursuivi. Lothaire, comme empereur souverain de Rome, fait des ordonnances pour protéger les papes ; mais dans ces ordonnances mêmes il nomme le pape avant lui : inattention bien dangereuse.

Le pape Eugène II fait serment de fidélité aux deux empereurs, mais il y est dit que c’est de son plein gré. Le clergé et le peuple romain jurent de ne jamais souffrir qu’un pape soit élu sans le consentement de l’empereur. Ils jurent fidélité aux seigneurs Louis et Lothaire ; mais ils y ajoutent : sauf la foi promise au seigneur pape.

Il semble que dans tous les serments de ce temps-là il y ait toujours des clauses qui les annulent. Tout annonce la guerre éternelle de l’empire et du sacerdoce.

  1. Voyez page 252.