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ANNALES DE L’EMPIRE.

pontife Léon IV, qui l’avait fait entourer de murailles. Il la force. Le reste de la ville, au delà du Tibre, se rend, et le pape Formose sacre Arnoud empereur dans l’église de Saint-Pierre. Les sénateurs (car il y avait encore un sénat) lui font le lendemain serment de fidélité dans l’église de Saint-Paul. C’est l’ancien serment équivoque : « Je jure que je serai fidèle à l’empereur, sauf ma fidélité pour le pape. »

896. Une femme d’un grand courage, nommée Agiltrude, mère de ce prétendu empereur Gui de Spolette, laquelle avait en vain armé Rome contre Arnoud, se défend encore contre lui. Arnoud l’assiége dans la ville de Fermo. Les auteurs prétendent que cette héroïne lui envoya un breuvage empoisonné, pour adoucir son esprit, et disent que l’empereur fut assez imbécile pour le prendre. Ce qui est incontestable, c’est qu’il leva le siége, qu’il était malade, qu’il repassa les Alpes avec une armée délabrée, qu’il laissa l’Italie dans une plus grande confusion que jamais, et qu’il retourna dans la Germanie, où il avait perdu toute son autorité pendant son absence.

897-898-899. La Germanie est alors dans la même anarchie que la France. Les seigneurs s’étaient cantonnés dans la Lorraine, dans l’Alsace, dans le pays appelé aujourd’hui la Saxe, dans la Bavière, dans la Franconie. Les évêques et les abbés s’emparent des droits régaliens : ils ont des avoués, c’est-à-dire des capitaines, qui leur prêtent serment, auxquels ils donnent des terres et qui tantôt combattent pour eux, et tantôt les pillent. Ces avoués étaient auparavant les avocats des monastères : et les couvents étant devenus des principautés, les avoués devinrent des seigneurs.

Les évêques et les abbés d’Italie ne furent jamais sur le même pied : premièrement, parce que les seigneurs italiens étaient plus habiles, les villes plus puissantes et plus riches que les bourgades de Germanie et de France ; et enfin parce que l’Église de Rome, quoique très-mal conduite, ne souffrait pas que les autres Églises d’Italie fussent puissantes.

La chevalerie et l’esprit de chevalerie s’étendent dans tout l’Occident. On ne décide presque plus de procès que par des champions. Les prêtres bénissent leurs armes, et on leur fait toujours jurer avant le combat que leurs armes ne sont point enchantées, et qu’ils n’ont point fait de pacte avec le diable.

Arnoud, empereur sans pouvoir, meurt en Bavière en 899. Des auteurs le font mourir de poison, d’autres d’une maladie pédiculaire ; mais la maladie pédiculaire est une chimère, et le poison en est souvent une autre.