Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome13.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
268
ANNALES DE L’EMPIRE.



OTHON Ier, surnommé LE GRAND,
douzième empereur.

936. Voici enfin un empereur véritable. Les ducs et les comtes, les évêques, les abbés, et tous les seigneurs puissants qui se trouvent à Aix-la-Chapelle, élisent Othon, fils de Henri l’Oiseleur. Il n’est pas dit que les députés des bourgs aient donné leurs voix. Il se peut faire que les grands seigneurs, devenus plus puissants sous Henri l’Oiseleur, leur eussent ravi ce droit naturel ; il se peut encore que les communes, à l’élection de Henri l’Oiseleur, eussent donné leurs acclamations et non pas leurs suffrages ; et c’est ce qui est plus vraisemblable.

L’archevêque de Mayence annonce au peuple cette élection, le sacre et lui met la couronne sur la tête. Ce qu’on peut remarquer, c’est que les prélats dînèrent à la table de l’empereur, et que les ducs de Franconie, de Souabe, de Bavière, et de Lorraine, servirent à table, le duc de Franconie, par exemple, en qualité de maître d’hôtel, et le duc de Souabe en qualité d’échanson. Cette cérémonie se fit dans une galerie de bois, au milieu des ruines d’Aix-la-Chapelle, brûlée par les Normands, et non encore rebâtie.

Les Huns et les Hongrois viennent encore troubler la fête. Ils s’avancent jusqu’en Vestphalie, mais on les repousse.

937. La Bohême était alors entièrement barbare, et à moitié chrétienne. Heureusement pour Othon, elle est troublée par des guerres civiles. Il en profite aussitôt. Il rend la Bohême tributaire de la Germanie, et y rétablit le christianisme.

938-939-940. Othon tâche de se rendre despotique, et les seigneurs des grands fiefs, de se rendre indépendants. Cette grande querelle, tantôt ouverte, tantôt cachée, subsiste dans les esprits depuis plus de huit cents années, ainsi que la querelle de Rome et de l’empire.

Cette lutte du pouvoir royal qui veut toujours croître, et de la liberté qui ne veut point céder, a longtemps agité toute l’Europe chrétienne. Elle subsista en Espagne tant que les chrétiens y eurent les Maures à combattre ; après quoi l’autorité souveraine prit le dessus. C’est ce qui troubla la France jusqu’au milieu du règne de Louis XI ; ce qui a enfin établi en Angleterre le gouvernement mixte auquel elle doit sa grandeur ; ce qui a cimenté en