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OTHON Ier, DIT LE GRAND.

Pologne la liberté du noble et l’esclavage du peuple. Ce même esprit a troublé la Suède et le Danemark, a fondé les républiques de Suisse et de Hollande. La même cause a produit partout différents effets. Mais, dans les plus grands États, la nation a presque toujours été sacrifiée aux intérêts d’un seul homme ou de quelques hommes : la raison en est que la multitude, obligée de travailler pour gagner sa vie, n’a ni le temps ni le pouvoir d’être ambitieuse.

Le duc de Bavière refuse de faire hommage. Othon entre en Bavière avec une armée. Il réduit le duc à quelques terres allodiales. Il crée un des frères du duc comte palatin en Bavière, et un autre comte palatin vers le Rhin. Cette dignité de comte palatin est renouvelée des comtes du palais des empereurs romains, et des comtes du palais des rois francs.

Il donne la même dignité à un duc de Franconie. Ces palatins sont d’abord des juges suprêmes. Ils jugent en dernier ressort au nom de l’empereur. Ce ressort suprême de justice est, après une armée, le plus grand appui de la souveraineté.

Othon dispose à son gré des dignités et des terres. Le premier marquis de Brandebourg étant mort sans enfants, il donne le marquisat à un comte Gérard, qui n’était point parent du mort.

Plus Othon affecte le pouvoir absolu, plus les seigneurs des grands fiefs s’y opposent, et dès lors s’établit la coutume d’avoir recours à la France pour soutenir le gouvernement féodal en Germanie contre l’autorité des rois allemands.

Les ducs de Franconie, de Lorraine, le prince de Brunsvick, s’adressent à Louis d’Outremer, roi de France. Louis d’Outremer entre dans la Lorraine et dans l’Alsace, et se joint aux alliés. Othon prévient le roi de France; il défait vers le Rhin, auprès de Brisach, les ducs de Franconie et de Lorraine, qui sont tués.

Il ôte le titre de palatin à la maison de Franconie. Il en pourvoit la maison de Bavière : il attache à ce titre des terres et des châteaux. C’est de là que se forme le palatinat du Rhin d’aujourd’hui[1]. C’était d’abord un juge, à présent c’est un prince électeur, un souverain. Le contraire est arrivé en France.

941. Comme les seigneurs des grands fiefs germains avaient appelé le roi de France à leur secours, les seigneurs de France appellent pareillement Othon. Il poursuit Louis d’Outremer dans toute la Champagne ; mais des conspirations le rappellent en Allemagne.

942-943-944. Le despotisme d’Othon aliénait tellement les

  1. Il fut supprimé en 1801 par le traite de Lunéville.