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OTHON Ier, DIT LE GRAND.

Jean XII, pape débauché, mais prince entreprenant, soulève les Romains du fond de sa retraite ; et tandis qu’Othon va faire le siége de Camerino, le pontife, aidé de sa maîtresse, rentre dans Rome. Il dépose son compétiteur, fait couper la main droite au cardinal Jean, qui avait écrit la déposition contre lui, oppose concile à concile, et fait statuer que « jamais l’inférieur ne pourra ôter le rang au supérieur » ; cela veut dire que jamais empereur ne pourra déposer un pape. Il se promet de chasser les Allemands d’Italie ; mais, au milieu de ce grand dessein, il est assassiné dans les bras d’une de ses maîtresses.

Il avait tellement animé les Romains et relevé leur courage qu’ils osèrent, même après sa mort, soutenir un siége, et ne se rendirent à Othon qu’à l’extrémité,

Othon, deux fois vainqueur de Rome, fait déclarer dans un concile « qu’à l’exemple du bienheureux Adrien, qui donna à Charlemagne le droit d’élire les papes et d’investir tous les évêques, on donne les mêmes droits à l’empereur Othon ». Ce titre, qui existe dans le recueil de Gratien[1], est suspect ; mais ce qui ne l’est pas, c’est le soin qu’eut l’empereur victorieux de se faire assurer tous ses droits.

Après tant de serments, il fallait que les empereurs résidassent à Rome pour les faire garder.

965. Il retourne en Allemagne. Il trouve toute la Lorraine soulevée contre son frère Brunon, archevêque de Cologne, qui gouvernait la Lorraine alors. Il est obligé d’abandonner Trêves, Metz, Toul, Verdun, à leurs évêques. La haute Lorraine passe dans la main d’un comte de Bar, et c’est ce seul pays qu’on appelle aujourd’hui toujours Lorraine. Brunon ne se réserve que les provinces du Rhin, de la Meuse, et de l’Escaut. Ce Brunon était, dit-on, un savant aussi détaché de la grandeur que l’empereur Othon son frère était ambitieux.

La maison de Luxembourg prend ce nom du château de Luxembourg, dont un abbé de Saint-Maximin de Trêves fait un échange avec elle.

Les Polonais commencent à devenir chrétiens.

966. À peine l’empereur Othon était-il en Allemagne que les Romains voulurent être libres. Ils chassent le pape Jean XIII attaché à l’empereur. Le préfet de Rome, les tribuns, le sénat, pensent faire revivre l’ancienne république. Mais ce qui dans un temps est une entreprise de héros devient dans d’autres une

  1. Concordantia discordantium canonum. 1151.