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HENRI IV.

brie, de Spolette, de la marche d’Ancône. On l’appelait la grande comtesse, quelquefois duchesse ; il n’y avait alors aucune formule de titres usitée en Europe ; on disait aux rois votre excellence, votre sérénité, votre grandeur, votre grâce, indifféremment. Le titre de majesté était rarement donné aux empereurs, et c’était plutôt une épithète qu’un nom d’honneur affecté à la dignité impériale. Il y a encore un diplôme d’une donation de Mathilde à l’évêque de Modène, qui commence ainsi : « En présence de Mathilde, par la grâce de Dieu duchesse et comtesse, » Sa mère, sœur de Henri III, et très-maltraitée par son frère, avait nourri cette puissante princesse dans une haine implacable contre la maison de Henri. Elle était soumise au pape, qui était son directeur, et que ses ennemis accusaient d’être son amant. Son attachement à Grégoire et sa haine contre les Allemands allèrent au point qu’elle fit une donation de toutes ses terres au pape, du moins à ce qu’on prétend.

C’est en présence de cette comtesse Mathilde qu’au mois de janvier 1077, l’empereur, pieds nus et couvert d’un cilice, se prosterne aux pieds du pape, en lui jurant qu’il lui sera en tout parfaitement soumis, et qu’il ira attendre son arrêt à Augsbourg.

Tous les seigneurs lombards commençaient alors à être beaucoup plus mécontents du pape que de l’empereur. La donation de Mathilde leur donnait des alarmes. Ils promettent à Henri IV de le secourir, s’il casse le traité honteux qu’il vient de faire. Alors on voit ce qu’on n’avait point vu encore : un empereur allemand secouru par l’Italie, et abandonné par l’Allemagne.

Les seigneurs et les évêques assemblés à Forcheim en Franconie, animés par les légats du pape, déposent l’empereur, et réunissent leurs suffrages en faveur de Rodolphe de Reinfeld, duc de Souabe.

1078. Grégoire se conduit alors en juge suprême des rois. Il a déposé Henri IV, mais il peut lui pardonner. Il trouve mauvais qu’on n’ait pas attendu son ordre précis pour sacrer le nouvel élu à Mayence. Il déclare, de la forteresse de Canosse, où les seigneurs lombards le tiennent bloqué, qu’il reconnaîtra pour empereur et pour roi d’Allemagne celui des concurrents qui lui obéira le mieux.

Henri IV repasse en Allemagne, ranime son parti, lève une armée. Presque toute l’Allemagne est mise par les deux partis à feu et à sang.

1079. On voit tous les évêques en armes dans cette guerre. Un évêque de Strasbourg, partisan de Henri, va piller tous les couvents déclarés pour le pape.