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ANNALES DE L’EMPIRE.

On savait si peu ce que c’était que l’empire, toutes les prétentions étaient si contradictoires que, d’un côté, le peuple romain se souleva, et il y eut beaucoup de sang versé parce que le pape avait couronné l’empereur sans l’ordre du sénat et du peuple ; et, de l’autre côté, le pape Adrien écrivait dans toutes ses lettres qu’il avait conféré à Frédéric le bénéfice de l’empire romain, beneficium imperii romani. Ce mot de beneficium signifiait un fief alors.

Il fit de plus exposer en public un tableau qui représentait Lothaire II aux genoux du pape Innocent II[1], tenant les mains jointes entre celles du pontife : ce qui était la marque distinctive de la vassalité. L’inscription du tableau était :

Rex venit ante fores jurans prius urbis honores ;
Post homo fit papæ, sumit quo dante coronam.

Le roi jure à la porte le maintien des honneurs de Rome, devient vassal du pape, qui lui donne la couronne.

1156. On voit déjà Frédéric fort puissant en Allemagne, car il fait condamner le comte palatin du Rhin à son retour dans une diète pour des malversations. La peine était, selon l’ancienne loi de Souabe[2], de porter un chien sur les épaules un mille d’Allemagne ; l’archevêque de Mayence est condamné à la même peine ridicule : on la leur épargne. L’empereur fait détruire plusieurs petits châteaux de brigands. Il épouse à Vurtzbourg la fille d’un comte de Bourgogne, c’est-à-dire de la Franche-Comté, et devient par là seigneur direct de cette comté relevant de l’empire.

Le comte son beau-père, nommé Renaud, ayant obtenu de grandes immunités en faveur de ce mariage, s’intitula le comte franc ; et c’est de là qu’est venu le nom de Franche-Comté.

Les Polonais refusent de payer leur tribut, qui était alors fixé à cinq cents marcs d’argent. Frédéric marche vers la Pologne. Le duc de Pologne donne son frère en otage, et se soumet au tribut, dont il paye les arrérages.

Frédéric passe à Besançon, devenu son domaine ; il y reçoit des légats du pape avec les ambassadeurs de presque tous les princes. Il se plaint avec hauteur à ces légats du terme de béné-

  1. M. Renouard est le premier, et jusqu’à présent le seul éditeur, qui ait mis Innocent II, au lieu de Alexandre II, qu’on lit dans toutes les autres éditions. Alexandre II est évidemment une faute de copiste ou d’imprimeur. Ce pape était mort cinquante-deux ans avant l’élévation de Lothaire II, et soixante ans avant le sujet du tableau : voyez, année 1133, page 311. (B.)
  2. Voyez année 930.