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HENRI VII.

l’empereur qu’il ne souhaite rien tant que son gouvernement ; le roi de Naples l’assure des mêmes sentiments, et lui proteste que le prince de Morée n’est à Rome que pour y mettre l’ordre.

Henri VII se présente à la porte de la ville Léonine, qui renferme l’église de Saint-Pierre ; mais il faut qu’il l’assiége pour y entrer. Il est battu au lieu d’être couronné. Il négocie avec l’autre partie de la ville, et demande qu’on le couronne dans l’église de Saint-Jean de Latran. Les cardinaux s’y opposent, et disent que cela ne se peut sans la permission du pape.

Le peuple de ce quartier prend le parti de l’empereur. Il est couronné en tumulte par quelques cardinaux. Alors il fait examiner par des jurisconsultes la question : « Si le pape peut ordonner quelque chose à l’empereur, et si le royaume de Naples relève de l’empire ou du saint-siége. » Ses jurisconsultes ne manquent pas de décider en sa faveur, et le pape a grand soin de faire décider le contraire par les siens.

1313. C’est, comme on a vu, la destinée des empereurs de manquer de forces pour dominer dans Rome. Henri VII est obligé d’en sortir. Il va assiéger inutilement Florence, et cite non moins inutilement Robert, roi de Naples, à comparaître devant lui. Il met aussi vainement ce roi au ban de l’empire, comme coupable de lèse-majesté, et le bannit à perpétuité sous peine de perdre la tête. L’arrêt est du 25 avril.

Il rend des arrêts à peu près semblables contre Florence et Lucques ; et permet, par ces arrêts, d’assassiner les habitants : Venceslas en démence n’aurait pas donné de tels rescrits.

Il fait lever des troupes en Allemagne par son frère, archevêque de Trêves. Il obtient des Génois et des Pisans cinquante galères. On conspire dans Naples en sa faveur. Il pense conquérir Naples, et ensuite Rome ; mais, prêt à partir, il meurt auprès de la ville de Sienne[1]. L’arrêt contre les Florentins était une invitation à l’empoisonner. Un dominicain, nommé Politien de Montepulciano, qui le communiait, mêla, dit-on, du poison dans le vin consacré. Il est difficile de prouver de tels crimes. Mais les dominicains n’obtinrent du fils de Henri VII, Jean, roi de Bohême, des lettres qui les déclarent innocents que trente ans après la mort de l’empereur. Il eût mieux valu avoir ces lettres dans le temps même qu’on commençait à les accuser de cet empoisonnement sacrilége.

  1. À Buonconvento, le 24 auguste 1313. Louis V ne fut élu que le 20 octobre 1314.