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ANNALES DE L’EMPIRE.

Le lecteur peut consulter la bulle d’or pour le reste[1].

On met la dernière main à la bulle d’or dans Metz aux fêtes de Noël : on y ajoute sept chapitres. On y répare l’inadvertance qu’on avait eue d’oublier la succession indivisible des terres électorales. Ce qui est de plus clair et de plus expliqué dans les derniers articles, c’est ce qui regarde la pompe et la vanité ; on voit que Charles IV se complaît à se faire servir par les électeurs, dans les cours plénières.

La table de l’empereur, plus haute de trois pieds que celle de l’impératrice, et celle de l’impératrice plus haute de trois pieds que celle des électeurs[2] ; un gros tas d’avoine devant la salle à manger[3] un duc de Saxe venant prendre à cheval un picotin d’avoine dans ce tas ; enfin tout cet appareil ne ressemblait pas à la majestueuse simplicité des premiers Césars de Rome.

Un auteur moderne dit qu’on n’a point dérogé au dernier article de la bulle d’or, parce que tous les princes parlent français. C’est précisément en cela qu’on y a dérogé, car il est ordonné par le dernier article que les électeurs apprendront le latin et l’esclavon aussi bien que l’italien : or peu d’électeurs aujourd’hui se piquent de parler esclavon.

La bulle fut enfin publiée à Metz tout entière ; il y eut une de ces cours plénières ; tous les électeurs y servirent l’empereur et l’impératrice à table ; chacun y fit sa fonction. Ce n’était pas en ces cas des princes qui devenaient officiers ; c’étaient originairement des officiers qui, avec le temps, étaient devenus grands princes.

[4]Le dauphin de France Charles V, depuis roi, vint à cette cour plénière. C’était peu de mois après la funeste journée de Poitiers où son père Jean avait été pris par le fameux prince Noir. Le dauphin venait implorer le secours de Charles IV son oncle, qui ne pouvait donner que des fêtes. L’héritier de la couronne de France céda le pas au cardinal de Périgord dans cette diète. Pourquoi les annalistes français passent-ils ce cérémonial sous silence ? L’histoire est-elle un factum d’avocat où l’on amplifie les avantages, et où l’on tait les humiliations ?

1357. On voit aisément, par l’exclusion donnée dans la bulle d’or aux ducs de Bavière et d’Autriche, que Charles IV n’était pas

  1. Elle a été traduite dans le Discours historique sur l’élection de l’empereur, 1711.
  2. Chapitre xxviii, articles 1 et 2.
  3. Chapitre xxvii, article 1.
  4. Cet alinéa fut ajouté en 1772.