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ANNALES DE L’EMPIRE.

son évêque au sujet de quelques fiefs. On la met au ban de l’empire ; elle en est quitte pour trente mille florins au profit de l’empereur.

Trois frères, tous trois ducs de Bavière, font un pacte de famille, par lequel un prince bavarois ne pourra désormais vendre ou aliéner un fief qu’à son plus proche parent ; et pour le vendre à un étranger, il faudra le consentement de toute la maison : voilà une loi qu’on aurait pu insérer dans la bulle d’or, pour toutes les grandes maisons d’Allemagne.

Chaque ville, chaque prince pourvoit comme il peut à ses affaires.

Venceslas, renfermé dans Prague, ne commet que des actions de barbarie et de démence. Il y avait des temps où son esprit était entièrement aliéné. C’est un effet que les excès du vin, et même des aliments, font sur beaucoup plus d’hommes qu’on ne pense.

Charles VI, roi de France, dans ce temps-là même, était attaqué d’une maladie à peu près semblable. Elle lui ôtait souvent l’usage de la raison. Des anti-papes divisaient l’Église et l’Europe. Par qui le monde a-t-il été gouverné !

Venceslas, dans un de ses accès de fureur, avait jeté dans la Moldau et noyé le moine Jean Népomucène, parce qu’il n’avait pas voulu lui révéler la confession de l’impératrice sa femme. On dit qu’il marchait quelquefois dans les rues accompagné du bourreau, et qu’il faisait exécuter sur-le-champ ceux qui lui déplaisaient. C’était une bête féroce qu’il fallait enchaîner. Aussi les magistrats de Prague se saisissent de lui comme d’un malfaiteur ordinaire, et le mettent dans un cachot.

On lui permet des bains pour lui rendre la santé et la raison.

Un pêcheur lui fournit une corde, avec laquelle il s’échappe, accompagné d’une servante dont il fait sa maîtresse. Dès qu’il est en liberté, un parti se forme dans Prague en sa faveur. Venceslas fait mourir ceux qui l’avaient mis en prison ; il anoblit le pêcheur, dont la famille subsiste encore.

Cependant les magistrats de Prague, traitant toujours Venceslas d’insensé et de furieux, l’obligent de s’enfuir de la ville.

C’était une occasion pour Sigismond, son frère, roi de Hongrie, de venir se faire reconnaître roi de Bohême : il ne la manque pas ; mais il ne peut se faire déclarer que régent. Il fait enfermer son frère dans le château de Prague ; de là il l’envoie à Vienne en Autriche chez le duc Albert, et retourne en Hongrie s’opposer aux Turcs, qui commençaient à étendre leurs conquêtes de ce côté.