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ANNALES DE L’EMPIRE.

avait recouvré Bologne. Tous les autres États appartenaient à divers seigneurs qui s’en étaient rendus maîtres. Les choses demeurent en cet état pendant le voyage de Frédéric III en Italie. Ce voyage fut un des plus inutiles et des plus humiliants qu’aucun empereur eût fait encore. Il fut attaqué par des voleurs sur le chemin de Rome. On lui prit une partie de son bagage ; il y courut risque de la vie. Quelle manière de venir être couronné césar et chef du monde chrétien !

Il se fait à Rome une innovation unique jusqu’à ce jour. Frédéric III n’osait aller à Milan proposer qu’on lui donnât la couronne de Lombardie. Nicolas V la lui donne lui-même à Rome ; et cela seul pouvait servir de titre aux papes pour créer des rois lombards, comme ils créaient des rois de Naples.

Le pape confirme à Frédéric III cette tutelle du jeune Ladislas, roi de Bohême, de Hongrie, duc d’Autriche, tutelle qu’on voulait lui enlever, et excommunie ceux qui la lui disputent.

Cette bulle est tout ce que l’empereur remporte de Rome ; et avec cette bulle il est assiégé à Neustadt en Autriche par ceux qu’il appelle rebelles, c’est-à-dire par ceux qui lui redemandent son pupille Ladislas.

Enfin il rend le jeune Ladislas à ses peuples. On l’a beaucoup loué d’avoir été un tuteur fidèle, quoiqu’il n’eût rendu ce dépôt que forcé par les armes. Lui aurait-on fait une vertu de ne pas attenter à la vie de son pupille ?

1453. Cette année est la mémorable époque de la prise de Constantinople par Mahomet II. Certes c’était alors qu’il eût fallu des croisades. Mais il n’est pas étonnant que les puissances chrétiennes qui, dans ces anciennes croisades même, avaient ravi Constantinople à ses maîtres légitimes[1], la laissassent prendre enfin par les Ottomans. Les Vénitiens s’étaient dès longtemps emparés d’une partie de la Grèce. Les Turcs avaient tout le reste. Il ne restait de l’ancien empire que la seule ville impériale, assiégée par plus de deux cent mille hommes ; et dans cette ville on disputait encore sur la religion. On agitait s’il était permis de prier en latin ; si la lumière du Thabor était créée ou éternelle ; si l’on pouvait se servir de pain azyme.

Le dernier empereur Constantin avait auprès de lui le cardinal Isidore, dont la seule présence irritait et décourageait les Grecs. « Nous aimons mieux, disaient-ils, voir ici le turban qu’un chapeau de cardinal. »

  1. Voyez année 1202.