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FRÉDÉRIC D’AUTRICHE.

Tous les historiens, et même les plus modernes, répètent les anciens contes que firent alors les moines. Mahomet, selon eux, n’est qu’un barbare, qui met tout Constantinople à feu et à sang, et qui, amoureux d’une Irène sa captive, lui coupe la tête pour complaire à ses janissaires. Tout cela est également faux. Mahomet II était mieux élevé, plus instruit, et savait plus de langues[1] qu’aucun prince de la chrétienté. Il n’y eut qu’une partie de la ville prise d’assaut par les janissaires. Le vainqueur accorda généreusement une capitulation à l’autre partie, et l’observa fidèlement ; et quant au meurtre de sa maîtresse, il faut être bien ignorant des usages des Turcs pour croire que les soldats se mêlent de ce qui se passe dans le lit d’un sultan.

On assemble une diète à Ratisbonne pour tâcher de s’opposer aux armées ottomanes. Philippe, duc de Bourgogne, vient à cette diète, et offre de marcher contre les Turcs si on le seconde. Frédéric ne se trouva pas seulement à Ratisbonne. C’est cette année 1453 que l’Autriche est érigée en archiduché : le diplôme en fait foi.

1454. Le cardinal Æneas Silvius, qui fut depuis le pape Pie II, légat alors en Allemagne, sollicite tous les princes à défendre la chrétienté ; il s’adresse aux chevaliers teutoniques, et les fait souvenir de leurs vœux ; mais ils ne sont occupés qu’à combattre leurs sujets de la Poméranie et de la Prusse, qui secouent leur joug, et qui se donnent à la Pologne[2].

1455. Personne ne s’oppose donc aux conquêtes de Mahomet II ; et par une fatalité cruelle, presque tous les princes de l’empire s’épuisaient alors dans de petites guerres les uns contre les autres.

Le duché de Luxembourg était envahi par le duc de Saxe, et défendu par le duc de Bourgogne au sujet de vingt-deux mille florins.

Le jeune Ladislas, roi de Hongrie et de Bohême, réclame ce duché. Il ne paraît pas que l’empereur prenne part à aucune de ces querelles. Le duché de Luxembourg resta enfin à la maison de Bourgogne.

1456-1457. Ce Ladislas, qui pouvait être un très-grand prince, meurt haï et méprisé. Il s’était enfui à Vienne quand les Turcs assiégeaient Belgrade, Il avait laissé au célèbre Huniade et au cordelier Jean Capistran la gloire de faire lever le siége.

  1. Il savait le grec, l’arabe, le persan ; il entendait le latin ; voyez tome XII, page 99.
  2. Voyez page 448.