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ANNALES DE L’EMPIRE.

donner la Bohême à Frédéric, il faut donner à Podibrade la couronne de l’empire. La diète ordonne qu’on entretiendra un corps de vingt mille hommes pour défendre l’Allemagne contre les Turcs. L’Allemagne, bien gouvernée, eût pu en opposer trois cent mille.

Les chevaliers teutoniques, qui pouvaient imiter l’exemple de Scanderbeg, ne font la guerre que pour la Prusse ; et enfin, par un traité solennel, ils se rendent feudataires de la Pologne. Le traité fut fait à Thorn l’année précédente, et exécuté en 1467.

1468. Le pape donne la Bohême à Mathias Huniade, ou Corvin, roi de Hongrie : c’est-à-dire que le pape, dont le grand intérêt était d’opposer une digue aux progrès des Turcs, surtout après la mort du grand Scanderbeg, excite une guerre civile entre des chrétiens, et outrage l’empereur et l’empire en osant déposer un roi électeur : car le pape n’avait pas plus de droit de déposer un roi de Bohême que ce prince n’en avait de donner le siége de Rome.

Mathias Huniade perd du temps, des troupes, et des négociations pour s’emparer de la Bohême.

L’empereur fait avec mollesse le rôle de médiateur. Plusieurs princes d’Allemagne se font la guerre ; d’autres font des trêves. La ville de Constance s’allie avec les cantons suisses.

Un abbé de Saint-Gall unit le Tockembourg à sa riche abbaye, et il ne lui en coûte que quatorze mille florins. Les Liégeois ont une guerre malheureuse avec le duc de Bourgogne, Chaque prince est en crainte de ses voisins ; il n’y a plus de centre : l’empereur ne fait rien.

1469-1470-1471-1472. Mathias Huniade et Podibrade se disputent toujours la Bohême. La mort subite de Podibrade n’éteint. point la guerre civile. Le parti hussite élit Ladislas, roi de Pologne. Les catholiques tiennent pour Mathias Huniade.

La maison d’Autriche, qui devait être puissante sous Frédéric III, perd longtemps beaucoup plus qu’elle ne gagne. Sigismond d’Autriche, dernier prince de la branche du Tyrol, vend au duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, le Brisgau, le Sundgau, le comté de Ferrète, qui lui appartenaient, pour quatre-vingt mille écus d’or. Rien n’est plus commun dans les xive et xve siècles que des États vendus à vil prix. C’était démembrer l’empire, c’était augmenter la puissance d’un prince de France, qui alors possédait tous les Pays-Bas. On ne pouvait prévoir qu’un jour l’héritage de la maison de Bourgogne reviendrait à la maison d’Autriche. Les lois de l’empire défendent ces aliénations, il y faut au moins le consentement de l’empereur ; et on néglige même de le demander.