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MAXIMILIEN.

choses divines ces indulgences temporelles, mais d’une manière toute contraire. Les indulgences des empereurs étaient des libéralités au peuple, et celles des papes étaient un impôt sur le peuple, surtout depuis que la créance du purgatoire était généralement établie, et que le vulgaire, qui fait en tout pays au moins dix-huit parties sur vingt, croyait qu’on pouvait racheter des siècles de supplices avec un morceau de papier acheté à vil prix. Une pareille vente publique est aujourd’hui un de ces ridicules qui ne tomberaient pas dans la tête la moins sensée ; mais alors on n’en était pas plus surpris qu’on ne l’est dans l’Orient de voir des bonzes et des talapoins vendre, pour une obole, la rémission de tous les péchés.

Il y eut partout des bureaux d’indulgences : on les affermait comme des droits d’entrée et de sortie. La plupart de ces comptoirs se tenaient dans des cabarets. Le prédicateur, le fermier, le distributeur, chacun y gagnait. Jusque-là tout fut paisible. En Allemagne les augustins, qui avaient été longtemps en possession de prendre cette marotte à ferme, furent jaloux des dominicains, auxquels elle fut donnée : et voici la première étincelle qui embrasa l’Europe.

Le fils d’un forgeron, né à Islèbe, fut celui par qui commença la révolution. C’était Martin Luther, moine augustin, que ses supérieurs chargèrent de prêcher contre la marchandise qu’ils n’avaient pu vendre. La querelle fut d’abord entre les augustins et les dominicains ; mais bientôt Luther, après avoir décrié les indulgences, examina le pouvoir de celui qui les donnait aux chrétiens. Un coin du voile fut levé : les peuples animés voulurent juger ce qu’ils avaient adoré. Le vieux Frédéric, électeur de Saxe, surnommé le Sage, celui-là même qui, après la mort de Maximilien, eut le courage de refuser l’empire, protégea Luther ouvertement.

Ce moine n’avait pas encore de doctrine ferme et arrêtée. Mais qui jamais en a eu ? Il se contenta dans ces commencements de dire « qu’il fallait communier avec du pain ordinaire et du vin ; que le péché demeurait dans un enfant après le baptême ; que la confession auriculaire était assez inutile ; que les papes et les conciles ne peuvent faire des articles de foi ; qu’on ne peut prouver le purgatoire par les livres canoniques ; que les vœux monastiques étaient un abus ; qu’enfin tous les princes devaient se réunir pour abolir les moines mendiants ».

Frédéric, duc et électeur de Saxe, était, comme on l’a dit, le protecteur de Luther et de sa doctrine. Ce prince avait, dit-on,