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CHARLES-QUINT.

-Quint, et à tenir cette balance qui échappait aux faibles mains de Clément VII.

Bourbon, que Charles flattait de l’espérance d’un royaume composé de la Provence, du Dauphiné, et des terres de ce connétable, n’est que gouverneur du Milanais.

Il faut croire que Charles-Quint avait de grandes affaires secrètes en Espagne, puisque, dans ce moment critique, il ne venait ni vers la France, où il pouvait entrer, ni dans l’Italie, qu’il pouvait subjuguer, ni dans l’Allemagne, que les nouveaux dogmes et l’amour de l’indépendance remplissaient de troubles.

Les différents sectaires savaient bien ce qu’ils ne voulaient pas croire ; mais ils ne savaient pas ce qu’ils voulaient croire. Tous s’accordaient à s’élever contre les abus de la cour et de l’Église romaine ; tous introduisaient d’autres abus. Mélanchthon s’oppose à Luther sur quelques articles.

Storck, né en Silésie[1], va plus loin que Luther. Il est le fondateur de la secte des anabaptistes ; Muncer en est l’apôtre : tous deux prêchent les armes à la main. Luther avait commencé par mettre dans son parti les princes ; Muncer met dans le sien les habitants de la campagne. Il les flatte et les anime par cette idée d’égalité, loi primitive de la nature, que la force et les conventions ont détruite. Les premières fureurs des paysans éclatent dans la Souabe, où ils étaient plus esclaves qu’ailleurs. Muncer passe en Thuringe. Il s’y rend maître de Mulhausen en prêchant l’égalité, et fait porter à ses pieds l’argent des habitants en prêchant le désintéressement. Tous les paysans se soulèvent en Souabe, en Franconie, dans une partie de la Thuringe, dans le Palatinat, dans l’Alsace.

À la vérité ces espèces de sauvages firent un manifeste que Lycurgue aurait signé. Ils demandaient à qu’on ne levât sur eux que les dîmes des blés, et qu’elles fussent employées à soulager les pauvres ; que la chasse et la pêche leur fussent permises ; qu’ils eussent du bois pour se bâtir des cabanes et pour se garantir du froid ; qu’on modérât leurs corvées ». Ils réclamaient les droits du genre humain ; mais ils les soutinrent en bêtes féroces. Ils massacrent les gentilshommes qu’ils rencontrent. Une fille naturelle de l’empereur Maximilien est égorgée.

Ce qui est très-remarquable, c’est qu’à l’exemple de ces anciens esclaves révoltés qui, se sentant incapables de gouverner, choisirent, dit-on, autrefois pour leur roi le seul maître qui avait

  1. En Saxe, à Stolberg.