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CHARLES-QUINT.

Les princes et les villes avaient deux objets, leur religion, et la réduction de la puissance impériale dans des bornes étroites : sans ce dernier article, il n’y eût point eu de guerre civile. Les protestants s’obstinaient à ne vouloir point reconnaître Ferdinand pour roi des Romains.

1532. L’empereur, inquiété par les protestants et menacé par les Turcs, étouffe pour quelque temps les troubles naissants, en accordant dans la diète de Nuremberg, au mois de juin, tout ce que les protestants demandent, abolition de toutes procédures contre eux, liberté entière jusqu’à la tenue d’un concile ; il laisse même le droit de Ferdinand, son frère, indécis.

On ne pouvait se relâcher davantage. C’était aux Turcs que les luthériens devaient cette indulgence.

La condescendance de Charles anima les protestants à faire au delà de leur devoir. Ils lui fournissent une armée contre Soliman ; ils donnent cent cinquante mille florins par delà les subsides ordinaires. Le pape, de son côté, fait un effort ; il fournit six mille hommes et quatre cent mille écus. Charles fait venir des troupes de Flandre et de Naples. On voit une armée composée de plus de cent mille hommes, de nations différentes dans leurs mœurs, dans leur langage, dans leur culte, animés du même esprit, marcher contre l’ennemi commun. Le comte palatin Philippe détruit un corps de Turcs qui s’était avancé jusqu’à Gratz en Stirie. On coupe les vivres à la grande armée de Soliman, qui est obligé de retourner à Constantinople. Soliman, malgré sa grande réputation, parut avoir mal conduit cette campagne. Il fit à la vérité beaucoup de mal, il emmena près de deux cent mille esclaves; mais c’était faire la guerre en Tartare, et non en grand capitaine.

L’empereur et son frère, après le départ des Turcs, congédient leur armée. La plus grande partie était auxiliaire, et seulement pour le danger présent. Il ne resta que peu de troupes sous le drapeau. Tout se faisait alors par secousses ; point de fonds assurés pour entretenir longtemps de grandes forces, peu de desseins longtemps suivis. Tout consistait à profiter du moment. Charles-Quint alors fit la guerre qu’on faisait pour lui depuis si longtemps, car il n’avait jusque-là vu que le siége de la petite ville de Mouzon, en 1521 ; et n’ayant eu depuis que du bonheur, il voulut y joindre la gloire.

1533. Il retourne en Espagne par l’Italie, laissant au roi des Romains, son frère, le soin de contenir les protestants.

À peine est-il en Espagne que sa tante Catherine d’Aragon est