Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome13.djvu/518

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
506
ANNALES DE L’EMPIRE.

mandé quel ordre le roi de France tenait dans ses repas. Était-ce là une raison pour soupçonner Charles-Quint d’un crime si abominable et si inutile ? Le supplice de Montécuculli, ou plutôt Montécucullo[1], est au rang des condamnations injustes qui ont déshonoré la France. Il faut la mettre avec celles d’Enguerrand de Marigny, de Semblançai, d’Anne du Bourg, d’Augustin de Thou, du maréchal de Marillac, de la maréchale d’Ancre, et de tant d’autres qui rempliraient un volume. L’histoire doit au moins servir à rendre les juges plus circonspects et plus humains.

L’invasion de la Provence est funeste aux Français, sans être fructueuse pour l’empereur ; il ne peut prendre Marseille. Les maladies détruisent une partie de son armée. Il s’en retourne à Gênes sur sa flotte. Son autre armée est obligée d’évacuer la Picardie. La France, toujours prête d’être accablée, résiste toujours. Les mêmes causes qui avaient fait perdre le royaume de Naples à François Ier font perdre la Provence à Charles-Quint. Des entreprises lointaines réussissent rarement.

L’empereur retourne en Espagne, laissant l’Italie soumise, la France affaiblie, et l’Allemagne toujours dans le trouble.

Les anabaptistes continuent leurs ravages dans la Frise, dans la Hollande, dans la Vestphalie. Cela s’appelait combattre les combats du Seigneur[2]. Ils vont au secours de leur prophète roi Jean de Leyde ; ils sont défaits par George Schenck, gouverneur de Frise. La ville de Munster est prise. Jean de Leyde et ses principaux complices sont promenés dans une cage[3]. On les brûle, après les avoir déchirés avec des tenailles ardentes. Le parti des luthériens se fortifie ; les animosités s’augmentent ; la ligue de Smalcalde ne produit point encore de guerre civile.

1537. Charles en Espagne n’est pas tranquille : il faut soutenir cette guerre légèrement commencée par François Ier, et que ce prince rejetait sur l’empereur.

Le parlement de Paris fait ajourner l’empereur, le déclare vassal rebelle, et privé des comtés de Flandre, d’Artois, et de Charolais. Cet arrêt eût été bon après avoir conquis ces provinces : il n’est que ridicule après toutes les défaites et toutes les pertes de François Ier. Les troupes impériales, malgré cet arrêt, avancent en Picardie, François Ier va en personne assiéger Hesdin dans l’Artois ; mais il est repris : on donne de petits combats dont le succès est indécis.

  1. Montecuccoli paraît être son vrai nom.
  2. Prœliare bella Domini, I, Rois, xviii, 17.
  3. Voyez tome XII, pages 301-302.