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CHARLES-QUINT.

présent ; mais il met d’abord les Vénitiens dans son parti ; il y met jusqu’aux Suisses, qui rappellent leurs troupes de l’armée française ; il augmente bientôt ses forces ; il va à Rome en grand appareil. Il y entre en triomphe, mais non pas en maître, ainsi qu’il eût pu y entrer auparavant. Il va au consistoire, et y prend place sur un siége plus bas que celui du saint-père. On est étonné d’y entendre un empereur romain victorieux plaider sa cause devant le pape ; il y prononce une harangue contre François Ier, comme Cicéron en prononçait contre Antoine. Mais, ce que Cicéron ne faisait pas, il propose de se battre en duel avec le roi de France. Il y avait dans tout cela un mélange des mœurs de l’antiquité avec l’esprit romanesque. Après avoir parlé du duel, il parle du concile.

Le pape Paul III publie la bulle de convocation.

Le roi de France avait envoyé assez de troupes pour s’emparer des états du duc de Savoie, alors presque sans défense, mais non assez pour résister à l’armée formidable que l’empereur eut bientôt, et qu’il conduisait avec une foule de grands hommes formés par des victoires en Italie, en Hongrie, en Flandre, en Afrique.

Charles reprend tout le Piémont, excepté Turin. Il entre en Provence avec une armée de cinquante mille hommes. Une flotte de cent quarante vaisseaux, commandée par Doria, borde les côtes. Toute la Provence, excepté Marseille, est conquise et ravagée ; il pouvait alors faire valoir les anciens droits de l’empire sur la Provence, sur le Dauphiné, sur l’ancien royaume d’Arles. Il presse la France, à l’autre bout en Picardie, par une armée d’Allemands qui, sous le comte de Reuss, prend Guise, et s’avance encore plus loin.

François Ier, au milieu de ces désastres, perd son dauphin François, qui meurt à Lyon d’une pleurésie. Vingt auteurs prétendent que l’empereur le fit empoisonner. Il n’y a guère de calomnie plus absurde et plus méprisable. L’empereur craignait-il ce jeune prince qui n’avait jamais combattu ? que gagnait-il à sa mort ? quel crime bas et honteux avait-il commis, qui pût le faire soupçonner ? On prétend qu’on trouva des poisons dans la cassette de Montécuculli, domestique du dauphin, venu en France avec Catherine de Médicis. Ces poisons prétendus étaient des distillations chimiques.

Montécuculli fut écartelé, sous prétexte qu’il était chimiste, et que le dauphin était mort. On lui demanda à la question s’il avait jamais entretenu l’empereur. Il répondit que, lui ayant été présenté une fois par Antoine de Lève, ce prince lui avait de-