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DE RODOLPHE II, MATHIAS, ET FERDINAND II.

queuse. Si la constitution germanique avait succombé, si les Turcs avaient envahi une partie de l’Allemagne, et que l’autre eût appelé des maîtres étrangers, les politiques n’auraient pas manqué de prouver que l’Allemagne, déjà déchirée par elle-même, ne pouvait subsister ; ils auraient démontré que la forme singulière de son gouvernement, la multitude de ses princes, la pluralité des religions, ne pouvaient que préparer une ruine et un esclavage inévitables. Les causes de la décadence de l’ancien empire romain n’étaient pas, à beaucoup près, si palpables ; cependant le corps de l’Allemagne est resté inébranlable, en portant dans son sein tout ce qui semblait devoir le détruire ; il est difficile d’attribuer cette permanence d’une constitution si compliquée à une autre cause qu’au génie de la nation.

L’Allemagne avait perdu Metz, Toul, et Verdun, en 1552, sous l’empereur Charles-Quint ; mais ce territoire, qui était l’ancienne France, pouvait être regardé plutôt comme une excrescence du corps germanique que comme une partie naturelle de cet État. Ferdinand Ier ni ses successeurs ne firent aucune tentative pour recouvrer ces villes. Les empereurs de la maison d’Autriche, devenus rois de Hongrie, eurent toujours les Turcs à craindre, et ne furent pas en état d’inquiéter la France, quelque faible qu’elle fût depuis François II jusqu’à Henri IV. Des princes d’Allemagne purent venir la piller, et le corps de l’Allemagne ne put se réunir pour l’accabler.

Ferdinand Ier voulut en vain réunir les trois religions qui partageaient l’empire, et les princes qui se faisaient quelquefois la guerre. L’ancienne maxime, diviser pour régner, ne lui convenait pas. Il fallait que l’Allemagne fût réunie pour qu’il fût puissant ; mais loin d’être unie, elle fut démembrée. Ce fut précisément de son temps que les chevaliers teutoniques donnèrent aux Polonais la Livonie, réputée province impériale, dont les Russes sont à présent en possession. Les évêchés de la Saxe et du Brandebourg, tous sécularisés, ne furent pas un démembrement de l’État, mais un grand changement qui rendit ces princes plus puissants, et l’empereur plus faible.

Maximilien II fut encore moins souverain que Ferdinand Ier. Si l’empire avait conservé quelque vigueur, il aurait maintenu ses droits sur les Pays-Bas qui étaient réellement une province impériale. L’empereur et la diète étaient les juges naturels ; ces peuples, qu’on appela rebelles si longtemps, devaient être mis par les lois au ban de l’empire : cependant Maximilien II laissa le prince d’Orange, Guillaume le Taciturne, faire la guerre dans