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CHARLES-QUINT.

Dans ce temps funeste toute l’Allennagne est en proie aux ravages. Albert de Brandebourg[1] pille toutes les commanderies de l’ordre teutonique, les terres de Bamberg, de Nuremberg, de Vurtzbourg, et plusieurs villes de Souabe. Les confédérés mettent à feu et à sang les États de l’électeur de Mayence, Vorms, Spire, et assiégent Francfort.

Cependant l’empereur, retiré dans Passau, et ayant rassemblé une armée, après tant de disgrâces, amène les confédérés à un traité. La paix est conclue le 12 août. Il accorde par cette paix célèbre de Passau une amnistie générale à tous ceux qui ont porté les armes contre lui depuis l’année 1546. Non-seulement les protestants obtiennent le libre exercice de la religion, mais ils sont admis dans la chambre impériale, dont on les avait exclus après la victoire de Muhlberg. Il y a sujet de s’étonner qu’on ne rende pas une liberté entière au landgrave de Hesse par ce traité, qu’il soit confiné dans le fort de Rheinfeld jusqu’à ce qu’il donne des assurances de sa fidélité, et qu’il ne soit rien stipulé pour Jean-Frédéric, l’ancien électeur de Saxe.

L’empereur cependant rendit bientôt après la liberté à ce malheureux prince, et le renvoya dans les États de Thuringe qui lui restaient.

L’heureux Maurice de Saxe, ayant fait triompher sa religion, et ayant humilié l’empereur, jouit encore de la gloire de le défendre. Il conduit seize mille hommes en Hongrie ; mais Ferdinand, malgré ce secours, ne peut rester en possession de la haute Hongrie qu’en souffrant que les états se soumettent à payer un tribut annuel de vingt mille écus d’or à Soliman.

Cette année est funeste à Charles-Quint. Les troupes de France sont dans le Piémont, dans le Montferrat, dans Parme. Il était à craindre que de plus grandes forces n’entrassent dans le Milanais, ou dans le royaume de Naples. Dragut infestait les côtes de l’Italie, et l’Europe voyait toujours les troupes du roi très-chrétien jointes avec les Turcs contre les chrétiens, tandis qu’on ne cessait de brûler les protestants en France par arrêt des tribunaux nommés parlements.

Les finances de Charles étaient épuisées, malgré les taxes imposées en Allemagne, après sa victoire de Muhlberg, et malgré les trésors du Mexique. La vaste étendue de ses États, ses voyages, ses guerres, absorbaient tout : il emprunte deux cent mille écus d’or au duc de Florence, Cosme de Médicis, et lui donne la sou-

  1. Voyez pages 492 et 500.