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DE RODOLPHE II, MATHIAS, ET FERDINAND II.

Charles-Quint. L’exemple des sept Provinces-Unies était sans cesse présent à des peuples qui prétendaient avoir les mêmes droits, et qui croyaient avoir plus de force que la Hollande.

Quand l’empereur Mathias fit élire, en 1618, son cousin Ferdinand de Gratz, roi désigné de Hongrie et de Bohême ; quand il lui fit céder l’Autriche par les autres archiducs, la Hongrie, la Bohême, l’Autriche, se plaignirent également qu’on n’eût pas assez d’égard au droit des États. La religion entra dans les griefs des Bohémiens, et alors la fureur fut extrême. Les protestants voulurent rétablir des temples que les catholiques avaient fait abattre. Le conseil d’État de Mathias et de Ferdinand se déclara contre les protestants ; ceux-ci entrèrent dans la chambre du conseil, et précipitèrent de la salle dans la rue trois principaux magistrats. Cet emportement ne caractérise que la violence du peuple, violence toujours plus grande que les tyrannies dont il se plaint ; mais ce qu’il y eut de plus étrange, c’est que les révoltés prétendirent, par un manifeste, qu’ils n’avaient fait que suivre les lois, et qu’ils avaient le droit de jeter par les fenêtres des conseillers qui les opprimaient[1]. L’Autriche prit le parti de la Bohême, et ce fut parmi ces troubles que Ferdinand de Gratz fut élu empereur.

Sa nouvelle dignité n’en imposa point aux protestants de Bohême, qui étaient alors très-redoutables : ils se crurent en droit de destituer le roi qu’ils avaient élu, et ils offrirent leur couronne à l’électeur palatin, gendre du roi d’Angleterre Jacques Ier. Il accepta ce trône (19 novembre 1620), sans avoir assez de force pour s’y maintenir. Son parent, Maximilien de Bavière, avec les troupes impériales et les siennes, lui fit perdre à la bataille de Prague et sa couronne et son palatinat.

Cette journée fut le commencement d’un carnage de trente années. La victoire de Prague décida pour quelque temps l’ancienne querelle des princes de l’empire et de l’empereur : elle rendit Ferdinand II despotique (1621). Il mit l’électeur palatin au ban de l’empire, par un simple arrêt de son conseil aulique, et proscrivit tous les princes et tous les seigneurs de son parti, au mépris des capitulations impériales, qui ne pouvaient être un frein que pour les faibles.

L’électeur palatin fuyait en Silésie, en Danemark, en Hollande, en Angleterre, en France ; il fut au nombre des princes malheu-

  1. Ce mouvement révolutionnaire est connu sous le nom de défenestration de Prague.