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CHAPITRE CLXXVIII.

cuté dans sa patrie après la mort du roi son protecteur ; mais il en trouva un autre dans l’empereur Rodolphe, qui le dédommagea de toutes ses pertes et de toutes les injustices des cours.

Copernic avait trouvé le vrai système du monde, avant que Tycho-Brahé inventât le sien, qui n’est qu’ingénieux. Le trait de lumière qui éclaire aujourd’hui le monde partit de la petite ville de Thorn, dans la Prusse polonaise, dès le milieu du XVIe siècle.

Kepler, né dans le duché de Virtemberg, devina, au commencement du XVIIe siècle, les lois mathématiques du cours des astres, et fut regardé comme un législateur en astronomie. Le chancelier Bacon proposait alors de nouvelles sciences ; mais Copernic et Kepler en inventaient. L’antiquité n’avait point fait de plus grands efforts, et la Grèce n’avait pas été illustrée par de plus belles découvertes ; mais les autres arts fleurirent à la fois en Grèce, au lieu qu’en Allemagne la physique seule fut cultivée par un petit nombre de sages inconnus à la multitude : cette multitude était grossière ; il y avait de vastes provinces où les hommes pensaient à peine, et on ne savait que se haïr pour la religion.

Enfin la ligue catholique et la protestante plongèrent l’Allemagne dans une guerre civile de trente années, qui la réduisit dans un état plus déplorable que n’avait été celui de la France avant le règne paisible et heureux de Henri IV.

En l’an 1619, époque de la mort de l’empereur Mathias, successeur de Rodolphe, l’empire allait échapper à la maison d’Autriche ; mais Ferdinand, archiduc de Gratz, réunit enfin les suffrages en sa faveur. Maximilien de Bavière, qui lui disputait l’empire, le lui céda ; il fit plus, il soutint le trône impérial aux dépens de son sang et de ses trésors, et affermit la grandeur d’une maison qui depuis écrasa la sienne. Deux branches de la maison de Bavière réunies auraient pu changer le sort de l’Allemagne : ces deux branches sont celles des électeurs palatins et des ducs de Bavière. Deux grands obstacles s’opposaient à leur intelligence : la rivalité, et la différence des religions. L’électeur palatin, Frédéric, était réformé ; le duc de Bavière, catholique. Cet électeur palatin fut un des plus malheureux princes de son temps, et la cause des longs malheurs de l’Allemagne.

Jamais les idées de liberté n’avaient prévalu dans l’Europe que dans ces temps-là. La Hongrie, la Bohême et l’Autriche même étaient aussi jalouses que les Anglais de leurs priviléges. Cet esprit dominait en Allemagne depuis les derniers temps de