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FERDINAND III.

faire bâtir de nouvelles églises, et l’empereur fut obligé d’admettre des protestants dans son conseil aulique.

Les commanderies de Malte, les abbayes, les bénéfices dans les pays protestants, furent donnés aux princes, aux seigneurs, qu’il fallait indemniser des frais de la guerre.

Ces concessions étaient bien différentes de l’édit de Ferdinand II, qui avait ordonné la restitution des biens ecclésiastiques dans le temps de ses prospérités. La nécessité, le repos de l’empire, lui firent la loi. Le nonce protesta, fulmina. On n’avait jamais vu encore de médiateur condamner le traité auquel il avait présidé ; mais il ne lui seyait pas de faire une autre démarche. Le pape, par sa bulle, « casse de sa pleine puissance, annule tous les articles de la paix de Vestphalie concernant la religion » ; mais s’il avait été à la place de Ferdinand III, il eût ratifié le traité, qui subsista malgré les bulles du pape : bulles autrefois si révérées, et aujourd’hui si méprisées !

Cette révolution pacifique dans la religion était accompagnée d’une autre dans l’État. La Suède devenait membre de l’empire. Elle eut toute la Poméranie citérieure, et la plus belle, la plus utile partie de l’autre, la principauté de Rugen, la ville de Vismar, beaucoup de bailliages voisins, le duché de Brême et de Verden. Le duc de Holstein y gagna aussi quelques terres.

L’électeur de Brandebourg perdait à la vérité beaucoup dans la Poméranie citérieure, mais il acquérait le fertile pays de Magdebourg, qui valait mieux que son margraviat. Il avait Cammin, Halberstadt, la principauté de Minden.

Le duc de Mecklenbourg perdait Vismar, mais il gagnait le territoire de Ratzbourg et de Schverin.

Enfin on donnait aux Suédois cinq millions d’écus d’Allemagne, que sept cercles devaient payer. On donnait à la princesse landgrave de Hesse six cent mille écus ; et c’était sur les biens des archevêchés de Mayence, de Cologne, de Paderborn, de Munster, et de l’abbaye de Fulde, que cette somme devait être payée. L’Allemagne, s’appauvrissant par cette paix, comme par la guerre, ne pouvait guère payer plus cher ses protecteurs.

Ces plaies étaient adoucies par les règlements utiles qu’on fit pour le commerce et pour la justice ; par les soins qu’on prit de remédier aux griefs de toutes les villes, de tous les gentilshommes qui présentèrent leurs droits au congrès, comme à une cour suprême qui réglait le sort de tout le monde. Le détail en fut prodigieux.

La France s’assura pour toujours la possession des Trois-Évê-