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ÉTAT DE L’EMPIRE SOUS LÉOPOLD Ier.

DE L’EMPIRE ROMAIN SOUS LÉOPOLD Ier.

Ce fut encore sous ce règne que l’Allemagne renoua la chaîne dont elle tenait autrefois l’Italie : car dans la guerre terminée à Rysvick, lorsque Léopold, ligué avec le duc de Savoie, ainsi qu’avec tant de princes contre la France, envoya des troupes vers le Pô, il exigea des contributions de tout ce qui n’appartenait pas à l’Espagne. Les États de Toscane, de Venise en terre ferme, de Gênes, du pape même, payèrent plus de trois cent mille pistoles. Quand il fallut, au commencement du siècle, disputer les provinces de la monarchie d’Espagne au petit-fils de Louis XIV, Léopold exerça l’autorité impériale en proscrivant le duc de Mantoue, en donnant le Montferrat mantouan au duc de Savoie. Ce fut encore en qualité d’empereur romain qu’il donna le titre de roi à l’électeur de Brandebourg[1] : car les nations ne sont pas convenues que le roi d’Allemagne fasse des rois ; mais un ancien usage a voulu que des princes reçussent le titre de roi de celui que ce même usage appelait le successeur des césars.

Ainsi le chef de l’Allemagne, ayant ce nom, donnait des noms ; et Léopold fit un roi sans consulter les trois colléges. Mais quand il créa un neuvième électorat[2] en faveur du duc de Hanovre, il créa cette dignité allemande avec le suffrage de quatre électeurs, en qualité de chef de l’Allemagne ; encore ne put-il le faire admettre dans le collége des électeurs, où le duc de Hanovre n’obtint séance qu’après la mort de Léopold.

Il est vrai que dans toutes les capitulations on appelle l’Allemagne l’Empire ; mais c’est un abus des mots autorisé dès longtemps. Les empereurs jurent dans leurs capitulations de ne faire entrer aucunes troupes dans l’empire sans le consentement des électeurs, princes, et états ; mais il est clair qu’ils entendent alors par ce mot empire, l’Allemagne, et non Milan et Mantoue ; car l’empereur envoie des troupes à Milan sans consulter personne. L’Allemagne est appelée l’empire, comme siége de l’empire romain : étrange révolution dont Auguste ne se doutait pas. Un seigneur italien s’adresse sans difficulté à la diète de Ratisbonne ; il s’adresse aux électeurs de Saxe, de Bavière et du Palatinat, pendant la vacance

  1. Frédéric Ier, voyez, dans le chapitre vi du Précis du Siècle de Louis XV, une note relative aux rois de Prusse.
  2. En 1692. Voyez la liste des Électeurs de Hanovre, page 214.