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CHAPITRE CLXXIX.

et le fameux comte de Strafford donna seul vingt mille livres sterling ; mais ces libéralités n’étant pas à beaucoup près suffisantes, le roi fut encore obligé de convoquer un parlement.

La chambre des communes ne regardait pas les Écossais comme des ennemis, mais comme des frères qui lui enseignaient à défendre ses priviléges. Le roi ne recueillit d’elle que des plaintes amères contre tous les moyens dont il se servait pour avoir des secours qu’elle lui refusait. Tous les droits que le roi s’était arrogés furent déclarés abusifs : impôt de tonnage et pontage, impôt de marine, vente de priviléges exclusifs à des marchands, logement de soldats par billets chez les bourgeois, enfin tout ce qui gênait la liberté publique. On se plaignit surtout d’une cour de justice nommée la Chambre étoilée, dont les arrêts avaient condamné trop sévèrement plusieurs citoyens. Charles cassa ce nouveau parlement, et aggrava ainsi les griefs de la nation.

Il semblait que Charles prît à tâche de révolter tous les esprits : car, au lieu de ménager la ville de Londres dans des circonstances si délicates, il lui fit intenter un procès devant la Chambre étoilée pour quelques terres en Irlande, et la fit condamer à une amende considérable. Il continua à exiger toutes les taxes contre lesquelles le parlement s’était récrié. Un roi despotique qui en aurait usé ainsi aurait révolté ses sujets ; à plus forte raison un roi d’une monarchie limitée. Mal secouru par les Anglais, secrètement inquiété par les intrigues du cardinal de Richelieu, il ne put empêcher l’armée des puritains écossais de pénétrer jusqu’à Newcastle. Ayant ainsi préparé ses malheurs, il convoqua enfin le parlement, qui acheva sa ruine (1640).

Cette assemblée commença, comme toutes les autres, par lui demander la réparation des griefs, abolition de la Chambre étoilée, suppression des impôts arbitraires, et particulièrement de celui de la marine ; enfin elle voulut que le parlement fût convoqué tous les trois ans. Charles, ne pouvant plus résister, accorda tout. Il crut regagner son autorité en pliant, et il se trompa. Il comptait que son parlement l’aiderait à se venger des Écossais, qui avaient fait une irruption en Angleterre, et ce même parlement leur fit présent de trois cent mille livres sterling pour les récompenser de la guerre civile. Il se flattait d’abaisser en Angleterre le parti des puritains, et presque toute la chambre des communes était puritaine. Il aimait tendrement le comte de Strafford, dévoué si généreusement à son service, et la chambre des communes, pour ce dévouement même, accusa Strafford de haute trahison. On lui imputa quelques malversations inévitables dans ces temps