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DES MALHEURS ET DE LA MORT DE CHARLES Ier.

de troubles, mais commises toutes pour le service du roi, et surtout effacées par la grandeur d’âme avec laquelle il l’avait secouru. Les pairs le condamnèrent ; il fallait le consentement du roi pour l’exécution. Le peuple, féroce, demandait ce sang à grands cris. (1641) Strafford poussa la vertu jusqu’à supplier lui-même le roi de consentir à sa mort, et le roi poussa la faiblesse jusqu’à signer cet acte fatal, qui apprit aux Anglais à répandre un sang plus précieux. On ne voit point dans les grands hommes de Plutarque une telle magnanimité dans un citoyen, ni une telle faiblesse dans un monarque.

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CHAPITRE CLXXX.


Des malheurs et de la mort de Charles Ier.


L’Angleterre, l’Écosse, et l’Irlande, étaient alors partagées en factions violentes, ainsi que l’était la France ; mais celles de la France n’étaient que des cabales de princes et de seigneurs contre un premier ministre qui les écrasait, et les partis qui divisaient le royaume de Charles Ier étaient des convulsions générales dans tous les esprits, une ardeur violente et réfléchie de changer la constitution de l’État, un dessein mal conçu chez les royalistes d’établir le pouvoir despotique, la fureur de la liberté dans la nation, la soif de l’autorité dans la chambre des communes, le désir vague dans les évêques d’écraser le parti calviniste-puritain ; le projet formé chez les puritains d’humilier les évêques ; et enfin le plan suivi et caché de ceux qu’on appelait indépendants, qui consistait à se servir des fautes de tous les autres pour devenir leurs maîtres.

(Octobre 1641) Au milieu de tous ces troubles, les catholiques d’Irlande crurent avoir trouvé enfin le temps de secouer le joug de l’Angleterre. La religion et la liberté, ces deux sources des plus grandes actions, les précipitèrent dans une entreprise horrible dont il n’y a d’exemples que dans la Saint-Barthélemy. Ils complotèrent d’assassiner tous les protestants de leur île, et en effet ils en égorgèrent plus de quarante mille. Ce massacre n’a pas dans l’histoire des crimes la même célébrité que la Saint-Barthé-