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DES MALHEURS ET DE LA MORT DE CHARLES Ier.

jours, les troubles de ces années, jusqu’à la mort du roi, furent les seuls où l’excès du ridicule se mêla aux excès de la fureur. Ce ridicule, que les réformateurs avaient tant reproché à la communion romaine, devint le partage des presbytériens. Les évêques se conduisirent en lâches ; ils devaient mourir pour défendre une cause qu’ils croyaient juste ; mais les presbytériens se conduisirent en insensés : leurs habillements, leurs discours, leurs basses allusions aux passages de l’Évangile, leurs contorsions, leurs sermons, leurs prédictions, tout en eux aurait mérité, dans des temps plus tranquilles, d’être joué à la foire de Londres, si cette farce n’avait pas été trop dégoûtante. Mais malheureusement l’absurdité de ces fanatiques se joignait à la fureur : les mêmes hommes dont les enfants se seraient moqués imprimaient la terreur en se baignant dans le sang ; et ils étaient à la fois les plus fous de tous les hommes et les plus redoutables.

Il ne faut pas croire que dans aucune des factions, ni en Angleterre, ni en Irlande, ni en Écosse, ni auprès du roi, ni parmi ses ennemis, il y eût beaucoup de ces esprits déliés qui, dégagés des préjugés de leur parti, se servent des erreurs et du fanatisme des autres pour les gouverner : ce n’était pas là le génie de ces nations. Presque tout le monde était de bonne foi dans le parti qu’il avait embrassé. Ceux qui en changeaient pour des mécontentements particuliers changeaient presque tous avec hauteur. Les indépendants étaient les seuls qui cachassent leurs desseins : premièrement, parce qu’étant à peine comptés pour chrétiens, ils auraient trop révolté les autres sectes ; en second lieu, parce qu’ils avaient des idées fanatiques de l’égalité primitive des hommes, et que ce système d’égalité choquait trop l’ambition des autres.

Une des grandes preuves de cette atrocité inflexible répandue alors dans les esprits, c’est le supplice de l’archevêque de Cantorbéry, Guillaume Laud, qui, après avoir été quatre ans en prison, fut enfin condamné par le parlement. Le seul crime bien constaté qu’on lui reprocha était de s’être servi de quelques cérémonies de l’Église romaine en consacrant une église de Londres. La sentence porta qu’il serait pendu, et qu’on lui arracherait le cœur pour lui en battre les joues, supplice ordinaire des traîtres : on lui fit grâce en lui coupant la tête.

Charles, voyant les parlements d’Angleterre et d’Écosse réunis contre lui, pressé entre les armées de ces deux royaumes, crut devoir faire au moins une trêve avec les catholiques rebelles d’Irlande, afin d’engager à sa cause une partie des troupes anglaises