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CHAPITRE CLXXX.

James, se sauva plus heureusement de sa prison que son père ne s’était sauvé de Hampton-court : il se retira en Hollande, et quelques partisans du roi ayant dans ce temps-là même gagné une partie de la flotte anglaise, cette flotte fit voile au port de la Brille, où ce jeune prince était retiré. Le prince de Galles, son frère, et lui, montèrent sur cette flotte pour aller au secours de leur père, et ce secours hâta sa perte.

Les Écossais, honteux de passer dans l’Europe pour avoir vendu leur maître, assemblaient de loin quelques troupes en sa faveur. Plusieurs jeunes seigneurs les secondaient en Angleterre. Cromwell marche à eux à grandes journées, avec une partie de l’armée, il les défait entièrement à Preston, (1648) et prend prisonnier le duc Hamilton, général des Écossais. La ville de Colchester, dans le comté d’Essex, ayant pris le parti du roi, se rendit à discrétion au général Fairfax ; et ce général fit exécuter à ses yeux, comme des traîtres, plusieurs seigneurs qui avaient soulevé la ville en faveur de leur prince.

Pendant que Fairfax et Cromwell achevaient ainsi de tout soumettre, le parlement, qui craignait encore plus Cromwell et les indépendants qu’il n’avait craint le roi, commençait à traiter avec lui, et cherchait tous les moyens possibles de se délivrer d’une armée dont il dépendait plus que jamais. Cette armée, qui revenait triomphante, demande enfin qu’on mette le roi en justice, comme la cause de tous les maux, que ses principaux partisans soient punis, qu’on ordonne à ses enfants de se soumettre, sous peine d’être déclarés traîtres. Le parlement ne répond rien ; Cromwell se fait présenter des requêtes par tous les régiments de son armée pour qu’on fasse le procès au roi. Le général Fairfax, assez aveuglé pour ne pas voir qu’il agissait pour Cromwell, fait transférer le monarque prisonnier de l’île de Wight au château de Hurst, et de là à Windsor, sans daigner seulement en rendre compte au parlement. Il mène l’armée à Londres, saisit tous les postes, oblige la ville de payer quarante mille livres sterling.

Le lendemain la chambre des communes veut s’assembler : elle trouve des soldats à la porte, qui chassent la plupart de ces membres presbytériens, les anciens auteurs de tous les troubles dont ils étaient alors les victimes ; on ne laisse entrer que les indépendants et les presbytériens rigides, ennemis toujours implacables de la royauté. Les membres exclus protestent ; on déclare leur protestation séditieuse. Ce qui restait de la chambre des communes n’était plus qu’une troupe de bourgeois esclaves de l’armée ; les officiers, membres de cette chambre, y dominaient ;