Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/318

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pouvait assiéger Mastricht qu’en donnant une grande bataille, et en la gagnant complètement.

Le roi était à la tête de son armée, et les alliés étaient campés entre lui et la ville. Le duc de Cumberland les commandait encore. Le maréchal Battiani conduisait les Aulrichiens ; le prince de Valdeck, les Hollandais.

(2 juillet 1747) Le roi voulut la bataille, le maréchal de Saxe la prépara ; l’événement fut le même qu’à la journée de Liége. Les Français furent vainqueurs, et les alliés ne lurent pas mis dans une déroute assez complète pour que le grand objet du siége de Mastricht pût être rempli[1]. Ils se retirèrent sous cette ville après avoir été vaincus, et laissèrent à Louis XV, avec la gloire d’une seconde victoire, l’entière liberté de toutes ses opérations dans le Brabant hollandais. Les Anglais furent encore dans cette bataille ceux qui firent la plus brave résistance. Le maréchal de Saxe chargea lui-même à la tête de quelques brigades. Les Français perdirent le comte de Bavière, frère naturel de l’empereur Charles VII ; le marquis de Froulai, maréchal de camp, jeune homme qui donnait les plus grandes espérances ; le colonel Dillon, nom célèbre dans les troupes irlandaises ; le brigadier d’Erlach, excellent officier ; le marquis d’Autichamp, le comte d’Aubeterre, frère de celui qui avait été tué au siège de Bruxelles : le nombre des morts fut considérable. Le marquis de Bonac[2], fils d’un homme qui s’était acquis une grande réputation dans ses ambassades, y perdit une jambe ; le jeune marquis de Ségur[3] eut un bras emporté : il avait été longtemps sur le point de mourir des blessures qu’il avait reçues auparavant, et à peine était-il guéri que ce nouveau coup le mit encore en danger de mort. Le roi dit au comte de Ségur son père : « Votre fils méritait d’être invulnérable. » La perte fut à peu près égale des deux côtés. Cinq à six mille hommes tués ou blessés de part et d’autre signalèrent cette journée. Le roi de France la rendit célèbre par le discours qu’il tint au général Ligonier[4], qu’on lui amena prisonnier : « Ne vau-

  1. L’idée de Maurice avait été de couper les communications des canaux avec Maestricht. (G. A.)
  2. François-Armand d’Usson, marquis de Bonac, né à Constantinople le 7 décembre 1716, fait brigadier quelques semaines après la bataille de Laufelt. Son père, Jean-Louis d’Usson, marquis de Bonac, fut ambassadeur pendant neuf ans à Constantinople, où il arriva en octobre 1716, après avoir rempli les mêmes fonctions auprès de plusieurs autres cours. Il mourut à Paris le 1er septembre 1738 (Cl.)
  3. C’est celui qui avait été blessé à la bataille de Raucoux. Voyez page 259.
  4. Selon M. Lacretelle jeune, le soldat français qui força le général Ligonier à