Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/319

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drait-il pas mieux, lui dit-il, songer sérieusement à la paix que de faire périr tant de braves gens ? »

Cet officier général des troupes anglaises était né son sujet[1] ; il le fit manger à sa table ; et des Écossais, officiers au service de France, avaient péri par le dernier supplice en Angleterre, dans l’infortune du prince Charles-Édouard.

En vain à chaque victoire, à chaque conquête, Louis XV offrait toujours la paix ; il ne fut jamais écouté. Les alliés comptaient sur le secours des Russes, sur des succès en Italie, sur le changement de gouvernement en Hollande, qui devait enfanter des armées ; sur les cercles de l’empire, sur la supériorité des flottes anglaises, qui menaçaient toujours les possessions de la France en Amérique et en Asie,

Il fallait à Louis XV un fruit de la victoire ; on mit le siège devant Berg-op-Zoom, place réputée imprenable, moins par l’art de Cohorn, qui l’avait fortifiée, que par un bras de mer formé par l’Escaut derrière la ville. Outre ses défenses, outre une nombreuse garnison, il y avait des lignes auprès des fortifications ; et dans ces lignes un corps de troupes qui pouvait à tout moment secourir la place.

De tous les siéges qu’on a jamais faits celui-ci peut-être a été le plus difficile. On en chargea le comte de Lowendal, qui avait déjà pris une partie du Brabant hollandais. Ce général, né en Danemark, avait servi l’empire de Russie. Il s’était signalé aux assauts d’Oczakof, quand les Russes forcèrent les janissaires dans cette ville. Il parlait presque toutes les langues de l’Europe, connaissait toutes les cours, leur génie, celui des peuples, leur manière de combattre ; et il avait enfin donné la préférence à la France, où l’amitié du maréchal de Saxe le fit recevoir en qualité de lieutenant général.

Les alliés et les Français, les assiégés, et les assiégeants même, crurent que l’entreprise échouerait. Lowendal fut presque le seul qui compta sur le succès. Tout fut mis en œuvre par les alliés : garnison renforcée, secours de provisions de toute espèce par l’Escaut, artillerie bien servie, sorties des assiégés, attaques faites par un corps considérable qui protégeait les lignes auprès de la place, mines qu’on fit jouer en plusieurs endroits. Les maladies

    se rendre prit le nom de son prisonnier. Il devait être fort âge quand, devenu lui-même général, il commandait une division républicaine en 1793, contre les Vendéens, aux combats de Vihiers et de Saumur. (Cl.)

  1. Ligonier était le fils d’un réfugié. (G. A.)