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CHRISTIANISME.

saint Pierre, et du Testament des douze patriarches, et de tant d’autres écrits des premiers chrétiens. Mais il est vraisemblable que ces Constitutions sont du IIe siècle. Quoiqu’elles soient faussement attribuées aux apôtres, elles sont très-précieuses. On y voit quels étaient les devoirs d’un évêque élu par les chrétiens ; quel respect ils devaient avoir pour lui, quels tributs ils devaient lui payer.

L’évêque ne pouvait avoir qu’une épouse qui eût bien soin de sa maison[1] : Μιᾶς ἄνδρα γεγενημένον γυναιϰὸς μονογάμου, ϰαλῶς τοῦ ἱδίου ὀίϰου προεστῶτα.

On exhortait les chrétiens riches à adopter les enfants des pauvres. On faisait des collectes pour les veuves et les orphelins ; mais on ne recevait point l’argent des pécheurs, et nommément il n’était pas permis à un cabaretier de donner son offrande. Il est dit[2] qu’on les regardait comme des fripons. C’est pourquoi très-peu de cabaretiers étaient chrétiens. Cela même empêchait les chrétiens de fréquenter les tavernes, et les éloignait de toute société avec les Gentils.

Les femmes, pouvant parvenir à la dignité de diaconesses, en étaient plus attachées à la confraternité chrétienne. On les consacrait ; l’évêque les oignait d’huile au front, comme on avait huilé autrefois les rois juifs. Que de raisons pour lier ensemble les chrétiens par des nœuds indissolubles !

Les persécutions, qui ne furent jamais que passagères, ne pouvaient servir qu’à redoubler le zèle et à enflammer la ferveur ; de sorte que sous Dioclétien un tiers de l’empire se trouva chrétien.

Voilà une petite partie des causes humaines qui contribuèrent au progrès du christianisme. Joignez-y les causes divines qui sont à elles comme l’infini est à l’unité, et vous ne pourrez être surpris que d’une seule chose, c’est que cette religion si vraie ne se soit pas étendue tout d’un coup dans les deux hémisphères, sans en excepter l’île la plus sauvage.

Dieu lui-même étant descendu du ciel, étant mort pour racheter tous les hommes, pour extirper à jamais le péché sur la face de la terre, a cependant laissé la plus grande partie du genre humain en proie à l’erreur, au crime, et au diable. Cela paraît une fatale contradiction à nos faibles esprits ; mais ce n’est pas à nous d’interroger la Providence ; nous ne devons que nous anéantir devant elle.

  1. Livre II, chapitre ii.
  2. Livre IV, chapitre vi.