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CIEL DES ANCIENS.

tance des cieux, au travers desquels les planètes couraient dans leurs orbites, etc. Il recherche[1] « par quels degrés les philosophes sont parvenus à cet excès de folie de faire de la terre une boule, et d’entourer cette boule du ciel ».

Ces raisonnements sont dignes de tous ceux qu’il fait sur les sibylles.

Notre écolier dirait à tous ces docteurs : Apprenez qu’il n’y a point de cieux solides placés les uns sur les autres, comme on vous l’a dit ; qu’il n’y a point de cercles réels dans lesquels les astres courent sur une prétendue plaque ; que le soleil est le centre de notre monde planétaire ; que la terre et les planètes roulent autour de lui dans l’espace, non pas en traçant des cercles, mais des ellipses. Apprenez qu’il n’y a ni dessus ni dessous, mais que les planètes, les comètes, tendent toutes vers le soleil leur centre, et que le soleil tend vers elles, par une gravitation éternelle.

Lactance et les autres babillards seraient bien étonnés en voyant le système du monde tel qu’il est.



CIEL DES ANCIENS[2].


Si un ver à soie donnait le nom de ciel au petit duvet qui entoure sa coque, il raisonnerait aussi bien que firent tous les anciens, en donnant le nom de ciel à l’atmosphère, qui est, comme dit très-bien M. de Fontenelle dans ses Mondes, le duvet de notre coque.

Les vapeurs qui sortent de nos mers et de notre terre, et qui forment les nuages, les météores et les tonnerres, furent pris d’abord pour la demeure des dieux. Les dieux descendent toujours dans des nuages d’or chez Homère ; c’est de là que les peintres les peignent encore aujourd’hui assis sur une nuée. Comment est-on assis sur l’eau ? Il était bien juste que le maître des dieux fût plus à son aise que les autres : on lui donna un aigle pour le porter, parce que l’aigle vole plus haut que les autres oiseaux.

Les anciens Grecs, voyant que les maîtres des villes demeuraient

  1. Lactance, livre III, chapitre xxiv. Et le clergé de France, assemblé solennellement en 1770, dans le XVIIIe siècle, citait sérieusement comme un Père de l’Église ce Lactance, dont les élèves de l’école d’Alexandrie se seraient moqués de son temps, s’ils avaient daigné jeter les yeux sur ses rapsodies. (Note de Voltaire.)
  2. Dictionnaire philosophique, 1764. (B.)