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CIEL DES ANCIENS.

dans des citadelles, au haut de quelque montagne, jugèrent que les dieux pouvaient avoir une citadelle aussi, et la placèrent en Thessalie sur le mont Olympe, dont le sommet est quelquefois caché dans les nues ; de sorte que leur palais était de plain-pied à leur ciel.

Les étoiles et les planètes, qui semblent attachées à la voûte bleue de notre atmosphère, devinrent ensuite les demeures des dieux ; sept d’entre eux eurent chacun leur planète, les autres logèrent où ils purent : le conseil général des dieux se tenait dans une grande salle à laquelle on allait par la voie lactée ; car il fallait bien que les dieux eussent une salle en l’air, puisque les hommes avaient des hôtels de ville sur la terre.

Quand les Titans, espèce d’animaux entre les dieux et les hommes, déclarèrent une guerre assez juste à ces dieux-là pour réclamer une partie de leur héritage du côté paternel, étant fils du Ciel et de la Terre, ils ne mirent que deux ou trois montagnes les unes sur les autres, comptant que c’en était bien assez pour se rendre maîtres du ciel et du château de l’Olympe.

Neve foret lerris securior arduus æther,
Affectasse ferunt regnum cœleste gigantes,
Altaque congestos struxisse ad sidera montes.

(Ovid., Met., 1, 151-153.)

On attaqua le ciel aussi bien que la terre[1] ;
Les géants chez les dieux osant porter la guerre,
Entassèrent des monts jusqu’aux astres des nuits.

Il y a pourtant des six cents millions de lieues de ces astres-là, et beaucoup plus loin encore, de plusieurs étoiles au mont Olympe. Virgile (égl. v, 57) ne fait point de difficulté de dire :

Sub pedibusque videt nubes et sidera Daphnis.
Daphnis voit sous ses pieds les astres et les nues.

Mais où donc était Daphnis ?

À l’Opéra, et dans des ouvrages plus sérieux, on fait descendre des dieux au milieu des vents, des nuages et du tonnerre, c’est-à-dire qu’on promène Dieu dans les vapeurs de notre petit globe. Ces idées sont si proportionnées à notre faiblesse qu’elles nous paraissent grandes.

  1. Ces trois vers français et ce qui suit, jusqu’aux mots : cette physique d’enfants, furent ajoutés en 1770. (B.)