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DICTIONNAIRE.

dit : « Nous soupâmes hier avec l’aga des janissaires qui est l’amant de ma sœur, et le vicaire de la mosquée, qui est le directeur de ma femme. »


DICTIONNAIRE[1].


La méthode des dictionnaires, inconnue à l’antiquité, est d’une utilité qu’on ne peut contester ; et l’Encyclopédie, imaginée par MM. d’Alembert et Diderot, achevée par eux et par leurs associés avec tant de succès, malgré ses défauts, en est un assez bon témoignage. Ce qu’on y trouve à l’article Dictionnaire doit suffire, il est fait de main de maître[2].

Je ne veux parler ici que d’une nouvelle espèce de dictionnaires historiques qui renferment des mensonges et des satires par ordre alphabétique : tel est le Dictionnaire historique, littéraire et critique, contenant une idée abrégée de la vie des hommes illustres en tout genre et imprimé en 1758, en six volumes in-8o sans nom d’auteur[3].

Les compilateurs de cet ouvrage commencent par déclarer qu’il a été entrepris « sur les avis de l’auteur de la Gazette ecclésiastique, écrivain redoutable, disent-ils, dont la flèche, déjà comparée à celle de Jonathas, n’est jamais retournée en arrière, et est toujours teinte du sang des morts, du carnage des plus vaillants : A sanguine interfectorum, ab adipe fortium sagitta Jonathæ nunquam rediit retrorsum[4] ».

On conviendra sans peine que Jonathas, fils de Saül, tué à la bataille de Gelboé, a un rapport immédiat avec un convulsionnaire de Paris qui barbouillait les Nouvelles ecclésiastiques dans un grenier, en 1758.

L’auteur de cette préface y parle du grand Colbert. On croit d’abord que c’est du ministre d’État qui a rendu de si grands services à la France ; point du tout, c’est d’un évêque de Montpellier. Il se plaint qu’un autre dictionnaire n’ait pas assez loué le célèbre abbé d’Asfeld, l’illustre Boursier, le fameux Gennes, l’immortel Laborde, et qu’on n’ait pas dit assez d’injures à l’archevêque de Sens Languet, et à un nommé Fillot, tous gens connus, à ce qu’il prétend, des colonnes d’Hercule à la mer Glaciale. Il promet qu’il

  1. Questions sur l’Encyclopédie, quatrième partie. 1771. (B.)
  2. L’article est de d’Alembert.
  3. L’auteur est l’abbé de Barral, aidé du P. Guibaud, oratorien. On attribue généralement à ce dernier la majeure partie de l’ouvrage. (B.)
  4. Rois, II, i, 22.