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DICTIONNAIRE.

sera « vif, fort et piquant, par principe de religion ; qu’il rendra son visage plus ferme que le visage de ses ennemis, et son front plus dur que leur front, selon la parole d’Ézéchiel ».

Il déclare qu’il a mis à contribution tous les journaux et tous les ana, et il finit par espérer que le ciel répandra ses bénédictions sur son travail.

Dans ces espèces de dictionnaires, qui ne sont que des ouvrages de parti, on trouve rarement ce qu’on cherche, et souvent ce qu’on ne cherche pas. Au mot Adonis, par exemple, on apprend que Vénus fut amoureuse de lui ; mais pas un mot du culte d’Adonis, ou Adonaï chez les Phéniciens ; rien sur ces fêtes si antiques et si célèbres, sur les lamentations suivies de réjouissances qui étaient des allégories manifestes, ainsi que les fêtes de Cérès, celles d’Isis, et tous les mystères de l’antiquité. Mais en récompense on trouve la religieuse Adkichomia qui traduisit en vers les psaumes de David au xvie siècle, et Adkichomius qui était apparemment son parent, et qui fit la Vie de Jésus-Christ en bas-allemand.

On peut bien penser que tous ceux de la faction dont était le rédacteur sont accablés de louanges, et les autres d’injures. L’auteur, ou la petite horde d’auteurs qui ont broché ce vocabulaire d’inepties, dit de Nicolas Boindin, procureur général des trésoriers de France, de l’Académie des belles-lettres, qu’il était poëte et athée.

Ce magistrat n’a pourtant jamais fait imprimer de vers, et n’a rien écrit sur la métaphysique ni sur la religion.

Il ajoute que Boindin sera mis par la postérité au rang des Vanini, des Spinosa et des Hobbes. Il ignore que Hobbes n’a jamais professé l’athéisme, qu’il a seulement soumis la religion à la puissance souveraine, qu’il appelle le Léviathan. Il ignore que Vanini ne fut point athée ; que le mot d’athée même ne se trouve pas dans l’arrêt qui le condamna ; qu’il fut accusé d’impiété pour s’être élevé fortement contre la philosophie d’Aristote, et pour avoir disputé aigrement et sans retenue contre un conseiller au parlement de Toulouse nommé Francon ou Franconi, qui eut le crédit de le faire brûler, parce qu’on fait brûler qui on veut : témoin la Pucelle d’Orléans, Michel Servet, le conseiller Dubourg, la maréchale d’Ancre, Urbain Grandier, Morin, et les livres des jansénistes. Voyez d’ailleurs l’apologie de Vanini par le savant La Croze, et l’article Athéisme[1].

  1. Section iii, et l’article Contradictions, section ire.