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ENCHANTEMENT.

queue, de se faire respecter aussi comme des magiciens du premier ordre.

L’enchantement des serpents passa pour une chose constante. La sainte Écriture même, qui entre toujours dans nos faiblesses, daigna se conformer à cette idée vulgaire[1]. « L’aspic sourd qui se bouche les oreilles pour ne pas entendre la voix du savant enchanteur. »

«[2] J’enverrai contre vous des serpents qui résisteront aux enchantements. »

«[3] Le médisant est semblable au serpent qui ne cède point à l’enchanteur. »

L’enchantement était quelquefois assez fort pour faire crever les serpents. Selon l’ancienne physique cet animal était immortel. Si quelque rustre trouvait un serpent mort dans son chemin, il fallait bien que ce fût quelque enchanteur qui l’eût dépouillé du droit de l’immortalité :

Frigidus in pratis cantando rumpitur anguis.

(Virg., Eglog. viii, 71.)


ENCHANTEMENT DES MORTS, OU ÉVOCATION.


Enchanter un mort, le ressusciter, ou s’en tenir à évoquer son ombre pour lui parler, était la chose du monde la plus simple. Il est très-ordinaire que dans ses rêves on voie des morts, qu’on leur parle, qu’ils vous répondent. Si on les a vus pendant le sommeil, pourquoi ne les verra-t-on point pendant la veille ? Il ne s’agit que d’avoir un esprit de Python ; et pour faire agir cet esprit de Python, il ne faut qu’être un fripon, et avoir affaire à un esprit faible : or, personne ne niera que ces deux choses n’aient été extrêmement communes.

[4] L’évocation des morts était un des plus sublimes mystères de la magie. Tantôt on faisait passer aux yeux du curieux quelque grande figure noire qui se mouvait par des ressorts dans un lieu un peu obscur ; tantôt le sorcier ou la sorcière se contentait de dire qu’elle voyait l’ombre, et sa parole suffisait. Cela s’appelle la nécromancie. La fameuse pythonisse d’Endor a toujours été un

  1. Psaume lvii, v. 5 et 6. (Note de Voltaire.)
  2. Jérémie, chapitre vii, iv. 17. (Id.)
  3. Ecclésiaste, chapitre x. (Id.)
  4. Cet alinéa et les deux suivants n’étaient pas dans l’édition de 1771. Ils sont dans l’édition in-4o de 1774. (B.)