Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome20.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
MARIAGE.

que l’époux qui devient catholique ne peut rompre ce lien pour en former un autre avec une personne de sa nouvelle religion[1].

Barach-Levi, juif de naissance, et originaire d’Haguenau, s’y était marié avec Mendel-Cerf, de la même ville et de la même religion.

Ce juif vint à Paris en 1752, et se fit baptiser. Le 13 mai 1754, il envoya sommer sa femme à Haguenau de venir le joindre à Paris. Dans une autre sommation il consentit que cette femme, en venant le joindre, continuât de vivre dans la secte juive.

À ces sommations Mendel-Cerf répondit qu’elle ne voulait point retourner avec lui, et qu’elle requérait de lui envoyer, suivant les formes du judaïsme, un libelle de divorce, pour qu’elle pût se remarier à un autre juif.

Cette réponse ne contentait pas Levi ; il n’envoya point de libelle de divorce, mais il fit assigner sa femme devant l’official de Strasbourg, qui, par une sentence du 7 novembre 1754, le déclara libre de se marier en face de l’Église avec une femme catholique.

Muni de cette sentence, le juif christianisé vient dans le diocèse de Soissons, et y contracte des promesses de mariage avec une fille de Villeneuve[2]. Le curé refuse de publier les bans. Levi lui fait signifier les sommations qu’il avait faites à sa femme, et la sentence de l’official de Strasbourg, et un certificat du secrétaire de l’évêché de la même ville, qui attestait que dans tous les temps il avait été permis, dans le diocèse, aux juifs baptisés de se remarier à des catholiques, et que cet usage avait été constamment reconnu par le conseil souverain de Colmar.

Mais ces pièces ne parurent point suffisantes au curé de Villeneuve. Levi fut obligé de l’assigner devant l’official de Soissons.

Cet official ne pensa pas, comme celui de Strasbourg, que le mariage de Levi avec Mendel-Cerf fût nul ou dissoluble. Par sa sentence du 5 février 1756, il déclara le juif non recevable. Celui-ci appela de cette sentence au parlement de Paris, où il n’eut pour contradicteur que le ministère public ; mais, par arrêt

  1. « Quod attinet ad matrinionia ab hæreticis inter se... celebrata, non servata forma per Tridentinum præscripta... quæque in posterum contrahentur, dummodo non aliud obstiterit canonicum impedimentum.... sanctitas sua statuit pro validis habenda esse ; adeoque si contingat utrumque conjugem ad catholicæ Ecclesiæ sinum se recipere, eodem quo antea conjugali vinculo ipsos omnino teneri, etiam si mutuus consensus coram parocho catholico non renovetur. » (Note de Voltaire.)
  2. Villeneuve-sur-Bellot, diocèse de Soissons, élection de Coulommiers. (B.)