Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome21.djvu/332

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que dépendaient la vraie richesse, la force, le bonheur des nations, et même la jouissance des droits des hommes les plus importants ; que le droit de propriété pris dans toute son étendue, celui de faire de son industrie, de ses denrées, un usage absolument libre, étaient des droits aussi naturels, et surtout bien plus importants, pour les quatre-vingt-dix-neuf centièmes des hommes, que celui de faire partie pour un dix-millionième de la puissance législative ; ceux qui ont ajouté que la conservation de la sûreté, de la liberté personnelle, est moins liée qu’on ne croit avec la liberté de la constitution ; que, sur tous ces points, les lois qui sont conformes à la justice et à la raison sont les meilleures en politique, et même les seules bonnes dans toutes les formes de gouvernement ; qu’enfin, tant que les lois ou l’administration sont mauvaises, le gouvernement le plus à désirer est celui où l’on peut espérer la réforme de ces lois la plus prompte et la plus entière : tous ceux qui ont dit ces vérités ont été utiles aux hommes, en leur apprenant que le bonheur était plus près d’eux qu’ils ne pensaient ; et que ce n’est point en bouleversant le monde, mais en l’éclairant, qu’ils peuvent espérer de trouver le bien-être et la liberté.

L’idée que la félicité humaine dépend d’une connaissance plus entière, plus parfaite de la vérité, et par conséquent des progrès de la raison, est la plus consolante qu’on puisse nous offrir : car les progrès de la raison sont dans l’homme la seule chose qui n’ait point de bornes, et la connaissance de la vérité, la seule qui puisse être éternelle.

L’impôt sur le produit des terres est le plus utile à celui qui lève l’impôt, le moins onéreux à celui qui le paye, le seul juste parce qu’il est le seul où chacun paye à mesure de ce qu’il possède, de l’intérêt qu’il a au maintien de la société.

Cette vérité a été encore établie par les mêmes écrivains, et c’est une de celles qui ont sur le bonheur des hommes une influence plus puissante et plus directe. Mais si des hommes, d’ailleurs éclairés et de bonne foi, ont nié cette vérité, c’est en grande partie la faute de ceux qui ont cherché à la prouver. Nous disons en partie, parce que nous connaissons peu de circonstances où la faute soit tout entière d’un seul côté. Si les partisans de cette opinion l’avaient développée d’une manière plus analytique et avec plus de clarté ; si ceux qui l’ont rejetée avaient voulu l’examiner avec plus de soin, les opinions auraient été bien moins partagées ; du moins les objections que les derniers ont faites semblent le prouver. Ils auraient senti que les impôts annuels, de quelque manière qu’ils soient imposés, sont levés sur le produit de la terre ; qu’un impôt territorial ne diffère d’un autre que parce qu’il est levé avec moins de frais, ne met aucune entrave dans le commerce, ne porte la mort dans aucune branche d’industrie, n’occasionne aucune vexation, parce qu’il peut être distribué avec égalité sur les différentes productions, proportionnellement au produit net que chaque terre rapporte à son propriétaire.

Nous avons combattu dans les notes quelques-unes des opinions de M. de Voltaire, qui sont contraires à ce principe, parce qu’elles ont pour objet des questions très-importantes au bonheur public, et que son ouvrage