Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome21.djvu/561

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de l’extrême-onction quand il est malade. Faut-il le priver du sacrement de mariage quand il se porte bien ? surtout après que Dieu lui-même a marié Adam et Ève ; Adam, le premier des bacheliers du monde, puisqu’il avait la science infuse, selon votre école ; Ève, la première bachelière, puisqu’elle tâta de l’arbre de la science avant son mari.

LE BACHELIER.

Mais, s’il est ainsi, je ne dirai plus mais. Voilà qui est fait, je suis de votre religion : je me fais anglican. Je veux me marier à une femme honnête qui fera toujours semblant de m’aimer tant que je serai jeune, qui aura soin de moi dans ma vieillesse, et que j’enterrerai proprement si je lui survis : cela vaut mieux que de cuire des hommes et de déshonorer des filles, comme a fait mon cousin don Caracucarador, inquisiteur pour la foi. »


Tel est le précis fidèle de la conversation qu’eurent ensemble le docteur Freind et le bachelier don Papalamiendo, nommé depuis par nous Papa Dexando. Cet entretien curieux fut rédigé par Jacob Hulf, l’un des secrétaires de milord.

Après cet entretien, le bachelier me tira à part et me dit : « Il faut que cet Anglais, que j’avais cru d’abord anthropophage, soit un bien bon homme, car il est théologien, et il ne m’a point dit d’injures. » Je lui appris que M. Freind était tolérant, et qu’il descendait de la fille de Guillaume Penn, le premier des tolérants, et le fondateur de Philadelphie. « Tolérant et Philadelphie ! s’écria-t-il ; je n’avais jamais entendu parler de ces sectes-là. » Je le mis au fait : il ne pouvait me croire, il pensait être dans un autre univers, et il avait raison.


CHAPITRE IV.

RETOUR À LONDRES ; JENNI COMMENCE À SE CORROMPRE.


Tandis que notre digne philosophe Freind éclairait ainsi les Barcelonais, et que son fils Jenni enchantait les Barcelonaises, milord Peterborough fut perdu dans l’esprit de la reine Anne, et dans celui de l’archiduc, pour leur avoir donné Barcelone. Les courtisans lui reprochèrent d’avoir pris cette ville contre toutes les règles, avec une armée moins forte de moitié que la garnison. L’archiduc en fut d’abord très-piqué, et l’ami Freind fut obligé d’imprimer l’apologie du général. Cependant cet archiduc, qui