Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome21.djvu/581

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de jour en jour une nouvelle étoile polaire, cette période, cette course si lente d’environ vingt-six mille ans, n’a pu être exécutée par des mains humaines dans nos oreri. Cette machine est très-imparfaite : il faut la faire tourner avec une manivelle ; cependant c’est un chef-d’œuvre de l’habileté de nos artisans. Jugez donc quelle est la puissance, quel est le génie de l’éternel Architecte, si l’on peut se servir de ces termes impropres si mal assortis à l’Être suprême.


Je donnai une légère idée d’un oreri à Parouba. Il dit : « S’il y a du génie dans cette copie, il faut bien qu’il y en ait dans l’original : je voudrais voir un oreri ; mais le ciel est plus beau. » Tous les assistants, Anglais et Américains, entendant ces mots, furent également frappés de la vérité, et levèrent les mains au ciel. Birton demeura tout pensif, puis il s’écria : « Quoi ! tout serait art, et la nature ne serait que l’ouvrage d’un suprême Artisan ! serait-il possible ? » Le sage Freind continua ainsi :


Portez à présent vos yeux sur vous-même ; examinez avec quel art étonnant, et jamais assez connu, tout y est construit en dedans et en dehors pour tous vos usages et pour tous vos désirs ; je ne prétends pas faire ici une leçon d’anatomie, vous savez assez qu’il n’y a pas un viscère qui ne soit nécessaire, et qui ne soit secouru dans ses dangers par le jeu continuel des viscères voisins. Les secours dans le corps sont si artificieusement préparés de tous côtés qu’il n’y a pas une seule veine qui n’ait ses valvules, ses écluses, pour ouvrir au sang des passages. Depuis la racine des cheveux jusqu’aux orteils des pieds, tout est art, tout est préparation, moyen, et fin. Et, en vérité, on ne peut que se sentir de l’indignation contre ceux qui osent nier les véritables causes finales, et qui ont assez de mauvaise foi ou de fureur pour dire que la bouche n’est pas faite pour parler et pour manger : que ni les yeux ne sont merveilleusement disposés pour voir, ni les oreilles pour entendre, ni les parties de la génération pour engendrer[1] : cette audace est si folle que j’ai peine à la comprendre.

Avouons que chaque animal rend témoignage au suprême Fabricateur.

La plus petite herbe suffit pour confondre l’intelligence humaine, et cela est si vrai qu’il est impossible aux efforts de

  1. Voyez tome XVIII, pages 103-104.