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AVIS A L’AUTEUR

page 9 de ses Voyages (édition d’Amsterdam). Voilà pourtant ce que le journaliste appelle une faute grossière.

Il se trompe quand il dit que le Journal des Savants (de Paris) n’est pas le premier qu’on ait fait en Europe.

Il se trompe en opposant les Transactions philosophiques. Ces Transactions ne sont point un examen des ouvrages nouveaux de tous les auteurs, comme le Journal des Savants ; c’est une entreprise toute différente.

Il se trompe quand il croit qu’il y a eu une bonne pharmacopée universelle avant celle de Lémery.

Il se trompe quand il dit que le Moréri n’est pas le premier dictionnaire français historique qui concerne les faits ; c’est même le premier en toute langue, ceux des Estienne[1] n’étant qu’une courte nomenclature pour l’intelligence des anciens auteurs.

Il se trompe et fait pis que se tromper, quand il traite de menteur le P. Daniel, qui ne passe pas pour un historien assez profond et assez hardi, mais qui passe pour un historien très-véridique. Le P. Daniel a erré quelquefois, mais il n’est pas permis de l’appeler un menteur[2].

Il se trompe quand il croit les Contes badins de La Fontaine plus dangereux que la seconde églogue de Virgile, ou que certaines satires d’Horace, ou qu’Ovide, ou que Pétrone. Il n’a pas senti que la gaieté n’est pas ce qui inspire la volupté. La Fontaine est plaisant ; Ovide est voluptueux ; Pétrone est débauché.

Il se trompe quand il reproche à l’auteur du Siècle de Louis XIV d’avoir dit qu’il vaut mieux recevoir cent bulles erronées que d’exciter des divisions. Voici le passage du Siècle : « Il vaut mieux recevoir cent bulles erronées que de mettre cent villes en cendres. » Quiconque aura une maison dans une de ces cent villes pensera ainsi ; permis à ceux qui n’ont point de maison de brûler celles des autres pour une bulle.

Il se trompe quand il croit que dans le Siècle on immole les jansénistes aux jésuites. On n’a certainement point pris de parti entre ces messieurs. On y dit que Quesnel était un opiniâtre ; que le jésuite Le Tellier, confesseur de Louis XIV, était un

  1. Le Dictionarium historicum, geographicum et poeticum, de Charles Estienne, est de 1566, et est en latin. C’est, en grande partie, une traduction française de cet ouvrage que donna Juigné Broissinière, sous le titre de : Dictionnaire théologique, historique, etc, 1627, in-4o ; la première édition du Dictionnaire de Moréri est de 1673. (B.)
  2. Voyez, dans la Liste des écrivains, l’article Daniel, tome XIV ; et tome XI, pages 497 et 502.